lundi 7 juillet 2014

Si c'était à refaire...

Voilà. Au revoir soleil, au revoir tinto de verano et autres rebujito, au revoir amis, et au revoir la plaza de España. J'ai noirci mes dernières feuilles blanches d'examen (ils ont toujours pas inventé les lignes depuis le premier semestre), mes amis m'ont offert un drapeau espagnol rempli de petits mots, en français, en espagnol, avec des dessins, comme tout Erasmus qui se respecte. Et puis, mercredi soir, j'ai raccompagné ma coloc qui partait pour Madrid pour prendre son avion. Ca a été comme dans les films américains, en pire. Je me suis renseignée, il y aura maintenant 2.700 kilomètres entre nous, trois fois rien. J'ai enchainé les soirées d'adieux d'au-revoirs, j'ai pris des dizaines de gens dans mes bras alors que je déteste les gens qui me prennent dans leur bras normalement, et parfois, on a pleuré. J'ai tant bien que mal fermé mes valises, en ajoutant sans cesse des kilos (et des euros) à ma réservation easyjet. Et, enfin, hier, après avoir fini de nettoyer mon appart', je suis partie à l'aéroport. Plus stressée de savoir si j'aurai un excédent à bagage qu'autre chose, je n'ai pas réalisé tout de suite. Et puis, assise à ma place dans l'avion, pendant que l'équipage nous expliquait comment ne pas mourir, des centaines d'images me sont venues en tête au même moment. Les noms de gens, les noms de villes se mélangeaient, et donc j'ai fini par fondre en larmes, j'ai atteint l'apothéose du ridicule quand les roues de l'avion ont quitté la piste, puis je me suis ressaisie parce que le monsieur d'à côté avait l'air un peu inquiet pour moi. Finalement, j'étais même plutôt contente en atterrissant. Maintenant, il va falloir reprendre ses marques peu à peu, s'habituer à envoyer des sms et non pas des Whatsapp (sérieux, il serait temps que vous y passiez tous, la modernité, que diable!), à mettre mon parapluie dans mon sac à main et à ne pas dire "Hola" en entrant dans les magasins. Bon bref. Pour rester encore un peu dans l'ambiance, je me suis dit que j'allais consacrer quelques minutes heures à tenter de reflechir sur tout ça, et à voir ce que j'aurais aimé qu'on me dise il y a un an - d'ailleurs, j'ai fait ma soirée d'adieux un an jour pour jour après avoir acheté mon billet aller (va savoir pourquoi je me rappelle de la date à laquelle je l'ai acheté...), c'est marrant-. Si on me donnait l'opportunité de remettre ça (si seulement...), il y a des petits détails que je changerais, et d'autres que je garderais totalement à l'identique.

Ca, je le ferais autrement...



- Je me poserais moins de questions, mais je me poserais les bonnes. Clairement, on s'en fout de savoir qui va venir à telle soirée, et qui ne viendra pas. On s'en fout que les gens soient en retard, on s'en fout qu'ils annulent, c'est pas grave. C'est comme ça, c'est l'Espagne, c'est Erasmus. On s'en fout également de savoir qui a laissé trainer ses restes de bouffe dans le salon, on ramasse, c'est pas grave. On s'en fout de pas savoir ce qu'on fait ce soir, de pas savoir où on va ce week end, on s'en fout si on change d'idée à la dernière minute, c'est même rigolo. Par contre, on s'en fout pas de savoir combien ça va couter tout ça. Sujet délicat, hein : l'ARGENT. Alors, personnellement, je suis partie avec de l'argent de côté, et tout ça mêlé à la bourse Erasmus (pour info, elle n'est pas sur critère sociaux, elle est versée de droit à tous les Erasmus, seul le montant peut changer. Par exemple, j'ai touché l'équivalent de 320€/mois, mais 80% m'ont été versés en novembre, et le solde arrivera dans les semaines suivant mon retour en France) a fait que j'ai mené la vie de pacha pendant 10 mois sans lever le moindre orteil. Deux dangers. Primero: c'est quand même pas illimité tout ça, et peut-être que c'était pas la peine de dévaliser à ce point Mango et Bershka, ni de m'acheter ces chaussures qui m'ont bien fait galérer à l'heure de la valise -ceci est une traduction littérale de la formule "a la hora de", qui je crois est censée être traduite autrement en français, du genre "au moment de faire" mais ça m'arrive fréquemment, je vais suivre quelques cours de français et ça ira-. Si je m'étais demandée de temps à autres si j'avais les moyens de tout ça, ça m'aurait évité le mail du banquier me demandant de régler ce découvert de 345€ (oui, oui...), que donc, heureusement, j'ai pu combler, en me cachant dans ma honte. Segundo : ça m'étonnerait pas qu'on s'habitue à ce petit train de vie. Sauf que voilà, à Paris, les "j'ai la flemme de cuisiner, Tugce, ramène toi, on va manger des tapas" et autres "on va pas aller jusqu'à la bas à pied, vous êtes fous, taxi", ça va pas durer longtemps. - Bon, aparté quand même : c'est pas comme ça tous les jours, je me suis aussi tapée des retours à pied qui durent 2h, des voyages de 7h en bus pour ne pas payer le TGV, et j'en ai bouffé des pâtes, mais faut quand même reconnaitre que c'est pas la même histoire que quand je faisais mes courses avec ma calculette dans le XVe arrondissement. 

- Je raterais pas autant de cours. Mea maxima culpa, maintenant que c'est fini, je peux le dire : j'en ai fait des grasses mat... Mais donc voilà, ça, c'est pour le conseil relou du jour. Non, c'est pas grave de rester couchée un lundi matin parce qu'on a la flemme, par contre, le faire 5 fois d'affilée, ça devient un problème, SACHEZ LE. Parce que Erasmus ou pas, arrive un moment où on se retrouve devant son sujet d'exam, et on se sent minable parce que les réformes de l'armée espagnole au XXe siècle, ça nous dit pas grand chose (mais j'ai pris l'autre sujet héhé!). J'ai sauvé les meubles, parfois même honorablement, avec un tout petit peu de talent, pas mal de chance, et beaucoup d'acharnement dans la dernière ligne droite. Mais, sachez une chose : Erasmus, c'est pas les vacances. On m'a dit (je ne sais pas si les sources d'"on" sont bonnes mais bon) qu'en effet, dans des pays comme l'Italie, on pouvait limite arriver à l'exam avec sa serviette de plage sur les épaules et repartir avec son petit 8/10 pas mérité. Mais en Espagne, c'est pas le cas, clairement pas!!!! Ici, ça bosse, et si c'est pas suffisant, il faut assumer ses 2/10. On s'est tous pris des gamelles, donc voilà, moi je préviens c'est tooouuut. Et donc, pitié, arrêtez avec vos "alors, ça profite des vacances ?" et surtout avec le ô combien blessant et pourtant ô combien entendu "bah encore heureux que t'as validé ton semestre, t'es en Erasmus aaahhhahaha". Pas aaaaahahah du tout.

- Je prendrais le temps de me trouver un super appart. Ca restera le regret de mon année, c'est sur. On est tous dans le même cas, on arrive super stressés à l'idée de peut-être devoir passer l'année entière dans une auberge de jeunesse, et donc on se jette sur les premiers trucs qui passent. Clairement, si j'avais su qu'il y avait autant d'offres, que toute l'année, les proprios se battaient pour remplir leurs apparts - j'ai quand même une amie qui a réussi à déménager trois fois en 9 mois s'il vous plait -, ça m'aurait permis de ne pas me retrouver au milieu d'un muet ne décrochant que des "vamooooos" et "hijo de puta" en regardant le foot, et d'un presque quarantenaire paradant déguisé en gorille quand l'envie lui prend (juré.). Heureusement que y'avait Tugce, même si j'ai plusieurs fois songé à l'euthanasier quand elle répétait ses cours de chant, en vrai, elle était quand même assez parfaite. Et puis j'aurais pu habiter plus près du centre pour pouvoir aller à la fac à pied et non en bus, ou sortir n'importe où et pas seulement sur l'Alameda par flemme d'aller plus loin. Et enfin ça m'aurait évité la proprio qui déboule un dimanche sans prévenir. Mais bon.

- Je ne maquillerais pas pour aller à l'aéroport le dernier jour. Bon, du coup, je reviens pas là dessus. Juste, c'était, évidemment, idiot.

Et ça, c'était parfait...

 

- L'espagnol et les espagnols. Au début, on s'est tous, ou presque, inscrits aux cours d'espagnol proposés par la fac. Mais la plupart ont vite laché l'affaire, parce que 3h par semaine à l'autre bout de Séville, ils estimaient que c'était relou (et c'est le cas d'ailleurs). Mais, même si j'avais souvent la flemme, et même si on s'est bien foutu de moi, je me suis obstinée à ne pas rater trop de cours et ça m'a doublement été utile. D'abord, parce que les notes finales comptent dans la moyenne générale, et à moins d'être une vraie buse, c'est facile d'avoir une super note qui peut donc sauver un semestre. Et ensuite parce que c'est ce qui m'a permis d'apprendre un espagnol correct, c'est à dire de connaître mes règles de grammaire et de conjugaison. On est tous arrivés avec un niveau limite et repartis avec un super espagnol, mais les cours m'ont aidée à ne pas faire des fautes qui font mal aux oreilles averties. Et puis surtout j'ai eu la chance (parce que pour le coup, je n'ai pas fait grand chose pour à la base) de rencontrer beaucoup d'espagnols. On suit les mêmes cours qu'eux, mais, je préviens tout de suite, si on ne fait pas l'effort d'aller leur parler, ils ne viendront pas, mais au fond, c'est comme dans n'importe quelle fac de France : ils se connaissent tous depuis plusieurs années, ont leur groupe d'amis. Maintenant, je regrette de ne pas avoir essayé de connaître les quelques Erasmus qui fréquentaient mes cours à Nanterre en L3... Par contre, hors des murs de la fac, l'espagnol se transforme. A la base, j'ai rencontré le groupe d'amis d'une copine allemande, lors de son anniversaire, puis on s'est bien entendus on s'est vus de temps en temps, puis de plus en plus, voire quasiment tous les jours à la fin. C'était donc des espagnols qu'elle avait rencontrés à une soirée couchsufring d'échange linguistique dans un bar, j'ai donc fait une de ces soirées et effectivement, j'y ai rencontré encore d'autres espagnols. Au final, si j'ai été très Erasmus au premier semestre, j'ai passé le second entouré de locaux, à en être souvent la seule étrangère, et c'est super pour plusieurs choses : d'abord parce qu'on est un peu la star du moment en tant qu'étrangère, aussi parce que c'est très drole de les entendre répéter les phrases françaises qu'on leur apprend, et puis parce que pour apprendre une langue telle que la parlent les natifs, il n'y a rien de mieux. Du coup, le jour, j’apprenais à conjuguer le subjonctif imparfait en cours et le soir, je hurlais des "me cago en tu puta madre" et des "me suedan los huevos" -je vous laisse vous renseigner vous même si les insultes espagnoles vous intéressent-. Résultat de tout ça : on m'a fréquemment dit que je parlais vraiment bien l'espagnol et comme, à la base, il y a un an, c'était un peu le but de la manœuvre, ça fait plaisir.

- Je voyagerais autant. Après avoir visité Séville en long, en large, et en travers, j'ai consacré la deuxième partie de mon Erasmus à crapahuter dans toute l'Espagne. J'ai déjà raconté ici beaucoup de mes voyages donc je ne reviendrai pas dessus, mais il est évident qu'il faut en profiter. Quand on est dans une région comme l'Andalousie, il faut en prendre plein les yeux, il y a tant de merveilles à voir, à commencer par, évidemment, Séville, mais aussi Grenade et Cordoue. Inratables. Niveau pratique, on s'en sort pour très peu cher si on connaît les bons filons, donc, comme je suis sympa, je transmets. Pour le transport, blablacar est votre meilleur allié : il s'agit, comme beaucoup le savent sans doute, d'un système de covoiturage, mais très sécurisé. Des millions de personne en Europe l'utilisent quotidiennement, et c'est la solution la plus économique. Les espagnols utilisent également beaucoup le car, même pour de longs voyages ; par exemple, un Séville-Madrid revient, en car à 22€ alors qu'il faut, à moins d'avoir de la chance, compter une bonne 40ne d'€ en train. Cela dit, prendre l'avion n'est pas forcément synonyme de richesse : n'hésitez pas à utiliser les comparateurs comme Liligo ou GoVoyages pour trouver les meilleurs prix. Les aéroports sont maintenant très bien desservis par de nombreuses compagnies low-cost, et ainsi, on a été à Majorque pour... 31€. Pour le logement, que le dieu du tourisme bénisse les auberges de jeunesse : j'en ai fréquenté un sacré paquet cette année, et on est loin du cliché glauque du dortoir qui pue. Il faut certes accepter de partager son quotidien et son confort, mais elles sont en général très propres, l'ambiance y est géniale, et dans la plupart des villes d'Espagne, les prix débutent à 9-10€ la nuit. Sinon, l'autre solution peut être celle de couchsurfing : des gens vous proposent de vous héberger, grace à un réseau mondial, sur internet. Je n'ai pas testé, par contre, à Majorque, on a logé chez l'habitant, via le site airbnb : même système, un couple ou une famille met une chambre à votre disposition, ainsi que sa cuisine et sa salle de bain, mais n'assure pas vos repas ou quoi que ce soit contrairement à une chambre d'hôtes. Contrairement à couchsurfing, il faut payer, mais le confort est parfait, et personnellement, ça m'était revenu à 12€ par nuit à Majorque, alors pas de quoi se plaindre. Donc, je récapépéte : le secret n'est pas forcément de s'y prendre à l'avance -en général, on commençait à s'organiser à J-3 au mieux, à H-2 au pire-, mais de connaître les bons plans.

- Je ferais ce que j'ai envie de faire au moment où j'ai envie de le faire. Voilà, pour moi, c'est la définition d'Erasmus. Ca n'est pas que d'enchainer les cuites, ça n'est pas que voyager, ça n'est pas que de manger des tapas à chaque repas : c'est tout ça, si c'est ce qu'on a envie de faire. C'est telle chose à tel moment, puis telle autre à un autre moment. Par exemple, si d'un coup, sur les coups de 23h, on a envie d'une bière, on cherche quelqu'un qui a envie d'une bière -c'est pas dur à trouver- et on part boire une bière. Si après, on a envie de rentrer, en rentre, si, finalement, on a envie d'un mojito, on va boire un mojito. Et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on ait envie de se coucher et qu'on aille donc se coucher. Si un samedi matin, alors qu'on a rien de prévu, on a envie d'aller à la plage, on prend le prochain bus pour la plage la plus près (pour info, dans le cas de Séville, il s'agit de la plage de Matalascanas, située à 80km) et on va à la plage. Si on préfère ne rien faire, on ne fait rien. En résumé : on arrête d'être dépendant des événements et des gens. Par exemple, il s'est trouvé qu'à un moment de l'année, je n'avais plus envie de sortir, j'étais crevée, tout le temps enrhumée -oui, c'est possible à Séville, arrêtez de rire!-, et j'ai du passer comme ça 3 semaines en ne voyant presque personne ; sur le coup, je me disais que c'était dommage de ne pas en profiter alors que tout le monde était en boite, et puis je me suis rendue compte que ce que je voulais, moi, c'était regarder les 10 saisons de Friends en 5 jours, alors que je pouvais très bien le faire. A l'inverse, début juin, tous mes amis étaient en exam alors que les miens commençaient plus tard, et je passais mes soirées dehors, parce qu'à ce moment là, j'avais envie de passer mes soirées dehors. Pendant les vacances, j'avais envie d'aller à Valence mais les autres avaient d'autres projets, eh ben je suis allée à Valence toute seule, et c'était très bien (et au final, il s'est trouvé que, sans s'être concertées avant, j'ai pu y retrouver une amie le 2e jour). Alors, il y a des moments, ca s'appelle les Examens, et c'est très handicapant, durant lesquels, on peut en effet être un peu limité dans nos envies et pulsions, mais rien n'empêche d'aller boire un verre de vin et de passer deux heures en terrasse avec des amis après une journée de révisions. En bref : on ne se culpabilise jamais, on ne se prend pas la tête. Maintenant, je peux le dire, ça donne le vertige en septembre mais 10 mois, ça passe à la vitesse de la lumière, alors on se sort les doigts du cul (PARDON mais je vois pas comment formuler ça autrement!!) et on se dépêche de profiter.

________________________

Voilà, moi je vous laisse là. Je vais défaire ma valise et tenter de ne pas trop me laisser gagner par le syndrome post-Erasmus (j'exagère rien, il est reconnu par les professionnels de santé hein). Je vais manger des tonnes de fromages, me faire couper les cheveux, revoir ma famille, tous mes amis, et sans doute souler tout le monde avec mes histoires. C'était drôlement chouette tout ça. Vraiment. Si c'était à refaire.....
Vraiment, je le referais.

lundi 23 juin 2014

El paseo de los recuerdos

La promenade des souvenirs... A Séville, il existe de nombreuses rues se nommant "paseo", c'est à dire "promenade", on a notamment la promenade de Christophe Colomb, la promenade des délices -c'est prometteur-, mais on n'a pas la promenade des souvenirs. Alors, ma coloc -Tugce- et moi, on l'a inventée samedi dernier. Le matin, j'avais un examen, mais j'avais envie de souffler un peu ensuite. Elle voulait aller se promener dans une ville près de Séville mais n'avais finalement pas pu. On a donc décider de se faire une après-midi touristique... dans Séville. D'essayer de trouver des coins qu'on ne connaitrait pas encore. Mais ça ne s'est pas passé du tout comme ça. On a pris un vélo près de chez nous, avec pour but d'aller jusqu'à la calle Betis, l'une des plus belles rues de Séville, avec des maisons de toutes les couleurs longeant le fleuve. Finalement, on est restées dehors près de 6h. Et chaque avenue, chaque carrefour, chaque coin de rue est devenu l'occasion de se remémorer notre année. On s'est rendues compte que l'on avait des souvenirs absolument partout dans cette ville, même des moments les plus anodins... Et comme on n'est tout de même pas ensemble 24h/24, et même si on se raconte absolument tout, quand on ne se le fait pas vivre en direct à travers Whatsapp, ça a également été l'occasion de découvrir des bouts de vie sévillane de l'autre.

Le pont de la Barqueta, à deux pas de chez nous, où j'avais attendu des amis avant la réunion d'accueil Erasmus en septembre. Les bords du Guadalquivir, profitant des premiers vrais rayons de soleil en février. L'escalier de la calle Torneo et son botellon en décembre. Le parc derrière Plaza de Armas et l'anniversaire d'une copine en mai. Le pont de Triana et les retours de soirée à 6h du matin, de septembre à juin. Les rues de Triana, parcourues en bus, au retour de la fac, chaque jour. La Plaza de Cuba remplie d'Erasmus partant à la plage ce dimanche matin de septembre. Sa boite de nuit extérieure, au bord du fleuve, ma première soirée, en septembre. La Calle Betis, et sa promenade, parcourue en octobre. "Ah tiens, regarde, c'est dans cette boite que j'étais l'autre soir, c'est sympa". Le McDo de Puerta Jerez, ses hamburgers à 4h du matin, en octobre, et ses pauses déjeuners n'en finissant pas. Le café où j'allais réviser, en janvier, puis à nouveau en juin. La fac. Evidemment. Les bords du fleuve envahies de sévillanes en tenue de flamenco en mai. La Torre del Oro et sa superbe vue sur la Giralda, en novembre. Le pédalo sur le fleuve, en mai. La plaza de Toros et ma première corrida, en octobre. Le meilleur des restaurants, découvert en mars. La ruelle cachée, raccourci pour rejoindre la Cathédrale, empruntée seulement depuis avril. "Ah bah tiens, regarde Marie, c'est là que j'étais quand tu m'as dit que t'avais trouvé un appart avec deux chambres". La fontaine face à la Giralda et les grandes discussions auxquelles elle a assisté, en octobre. Les ruelles de Santa Cruz et sa plaza Doña Elvira, en novembre, "viens voir par là; Tugce, il faut que je te montre le plus bel endroit de Séville". La Plaza Santa Maria, découverte en mars après m'être perdue. Et, même après 10 mois, avoir besoin de Google Map pour sortir de ce quartier. Se rappeler, dans telle rue, y avoir dit au revoir à une amie, partie de Séville en février. Le trottoir sur lequel on s'est racontés nos vies, avec des amis, en septembre. Soudain, l'église affreuse, rouge et jaune, devant laquelle j'étais passée le premier jour en me promenant, la première photo de mon album "Séville", qui en compte maintenant près de 2.000. Les ruelles d'Alfalfa qui pourraient en raconter des dossiers, tant elles ont vu passer d'Erasmus. Los Coloniales, le meilleur rapport qualité/quantité/prix du monde et ses diners qui s'y éternisent, cette table de 12 en janvier. Le Patio San Eloy, en février, "tu devrais essayer ce resto avant de partir". Le bar dans laquelle on est entrées par hasard, attirées par les bruits de guitares et les chants, en janvier. L'église et sa façade recouverte de mauvaises herbes, "c'est zarb, non ?", en octobre. Et puis, on est arrivées chez nous. Je suis ressortie avec d'autres amis, sur l'Alameda. L'Alameda, ses bars, ses mojitos, ses tapas, et son Fun Club, où j'aurais passé mes meilleures soirées, même si ça n'est pas la meilleure boite de Séville. De septembre à juin.



"Quand on arrive dans une ville, on voit des rues en perspective. Des suites de bâtiments vides de sens. Tout est inconnu, vierge. Voilà, plus tard on aura marché dans ces rues, on aura été au bout des perspectives, on aura connu ces bâtiments, on aura vécu des histoires avec des gens. Quand on aura vécu dans cette ville, cette rue on l’aura prise dix, vingt, mille fois. Au bout d’un temps cela vous appartient parce qu’on y a vécu."

C'est ce que se dit Xavier, le héros de "L'auberge espagnole", lorsqu'il marche dans Barcelone pour la première fois.  Et c'est exactement ça. Tout en avançant, samedi, je me revoyais marcher seule, plan en main, dans ces mêmes rues, quelques heures après mon arrivée en septembre. Curieuse, aventureuse, mais un peu stressée quand même. Me demandant ce qu'allaient me réserver toutes ces rues.
Bon, voilà, mes premières amies sont déjà rentrées. J'ai une fête d'adieu ce soir, une autre après-demain, plusieurs la semaine prochaine. Tugce part le 2, c'est à dire mercredi prochain. Il ne nous reste plus qu'une grosse semaine, plus qu'un week-end. Je ne sais pas quand on se reverra, et je ne sais pas où. On se reverra, c'est certain, mais ça sera différent. Les "on fait quoi le week-end prochain ?" sont devenus des "et tu fais quoi cet été ?". "Je serai à Istanbul/Rome/Paris/Londres" (rayez la mention inutile). Ca fait rêver tout le monde sauf la personne concernée, c'est notre vie, c'est chez nous, c'est notre case, point. Et en fait, malgré tout ça, je suis beaucoup moins triste que ce que j'imaginais. Ca ressemble plus à de la nostalgie, mais une jolie nostalgie. De celles qui veulent dire "je suis vraiment contente d'avoir pu connaitre tout ça".  Je sais que quand il faudra raccompagner Tugce à la gare, ça sera loin d'être drôle. Tout comme on a moyennement ri quand on a commencé à trier nos affaires la semaine dernière. Quand je dirai au-revoir à mes derniers amis, je ne rirai pas non plus. Quand j'arriverai à l'aéroport, quand je monterai dans l'avion, je serai beaucoup moins surexcitée que d'habitude. Mais voilà, finalement, puisqu'il faut que ça arrive, puisqu'il faut bien que l'on se quitte, tous, autant que ça ne traine pas trop. Je suis réellement contente de pouvoir passer du temps chez moi, ça fait bien longtemps que je n'ai pas profité de ma maison, de Chambéry, que je n'ai pas été au lac. Et puis, ça fait près de 6 mois que j'ai été à Paris pour la dernière fois, je pense que c'est un record absolu dans ma vie, et je commence vraiment à sentir le manque. J'ai même, c'est vous dire, presque -"presque", seulement quand même- hâte de retrouver ma fac. C'était le contrat, on le savait : 10 mois. Ca donnait le vertige en septembre, maintenant, lorsque l'on se retourne et qu'on réalise le chemin parcouru, ça fait sourire. Sourire de bonheur d'avoir vécu tout ça, sourire de fierté d'avoir su être là au(x) bon(s) moment(s). Je crois, aussi, qu'on ne réalise pas trop. On s'était dit au revoir avant les vacances de Noël, on savait qu'on se retrouverait tous, on fait comme si c'était pareil. Sans doute que le contrecoup viendra au bout de quelques semaines, quand on comprendra que non, cette fois, on n'y retourne pas -pas dans l'immédiat en tout cas, ni pour les mêmes raisons-.

Bon, pour les détails techniques, je passe mon dernier examen le mercredi 2, et je pars le dimanche 6. J'atterris, normalement, à 17h10... en Suisse -c'est ça d'habiter près de la frontière-. Disons que, le temps d'être en retard, de récupérer mes trois -si j'en ajoute pas une 4e d'ici là- valises, de trouver mon père dans la foule, de rejoindre la voiture et de passer la frontière qui est somme toute très près, je devrais être en France sur les coups de 18h30. Et là, je sortirai ma carte SIM espagnole de mon Iphone, je remettrai ma française, je n'aurai plus de numéro en +34, ça sera fini l'exotisme. Je pense que je me gaverai de fromage et de viande, puis, dès le lendemain, j'irai chez le coiffeur car mes cheveux sont ravagés de tout ce soleil, de cette eau de mer, et de ces soirées passées à être lissés et laqués. Bon, c'est sans doute ridicule, mais les autres chevelures longues me comprendront : c'est symbolique, je voulais voir à quel point ils pourraient pousser en un an, c'est bon, j'ai vu, maintenant, il est temps de les rendre beaux et de clore pour de bon ce chapitre espagnol. Je ne pense pas réécrire d'articles d'ici là -en tout cas, je préfère ne pas m'y engager-. C'est dans moins de deux semaines, et d'ici là, je dois boucler mes derniers examens, ma valise, et retourner au Centre International, celui du bout du monde dont je vous avais parlé, il y a donc 10 mois, pour faire signer mon papier de fin de séjour. Le dernier restant dans mon dossier. Et, s'il me reste du temps avec tout ça, je m'en servirai pour me construire mes derniers souvenirs. Je reviendrai sans doute, une fois que je serai posée, ou bien juste avant de partir, faire le bilan définitif de cette expérience si particulière qu'est Erasmus, et mettre le point final à tout ça.

lundi 16 juin 2014

Andalucia...

J'aurais adoré vous trouver un titre super clinquant, ou super poétique, mais j'ai déjà bien trop réfléchi. Vous avez évité "Andalousie, je me souviens", soyez heureux! Bref. J'ai arrêté de trimballer mon appareil photo dans toute l'Espagne, pour profiter du mieux possible de Séville. Je vous avais déjà raconté mes excursions à Cadiz et à l'Alhambra de Grenade en début d'année, on continue donc -et on termine en l’occurrence- notre tour de l'Andalousie -de ce que j'en ai vu en tout cas, à mon grand regret, je n'aurais pas eu le temps de visiter les provinces de Huelva, de Jaen et d'Almeria. Si je me passe des deux premières, je suis vraiment déçue de ne pas avoir vu Almeria, où se trouve notamment un désert servant souvent de décor de superproductions hollywoodiennes qui ne peuvent pas aller tourner au Sahara. Et puis j'aurais aussi raté ce que l'on appelle "les villages blancs", entre la province de Cadiz et celle de Malaga, et notamment la, parait-il, sublime Ronda. J'aurais voulu voir ça. Mais on peut pas tout faire. Donc, on a quoi en magasin, aujourd'hui ?

Une carte d'abord, parce que je vous sens perdus!


Alors, d'abord l'Andalousie, c'est grand. Comptez bien 300km de la province de Huelva à celle d'Almeria.  Ce qui explique notamment que l'on n'ait pas forcément pris le temps de la parcourir en long, en large, et en travers. Sa superficie est par exemple égale à celle d'un pays comme l'Autriche. Je vais donc vous parler de Grenade, de Cordoue, de Malaga et de Gibraltar.  Enfin, je vais vous montrer, surtout, car les mots me manquent parce que 1) je ne suis pas inspirée pour le coup, 2) certains voyages commencent à dater, 3) comme on le dit, devant tant de beauté, parfois, une image vaut mieux que mille mots.

Grenade

Bon, je refais un détour par Grenade car j'y suis retournée (quand on aime, on ne compte pas...). En novembre, je n'avais vu que l'Alhambra, mais en février, j'ai pu visiter réellement la ville. Elle est très charmante, m'a fait penser à Séville pour ses petites ruelles, à la différence qu'à Grenade, elles sont bien pentues les vicieuses. C'est une ville très vivante, animée. Les paysages alentours sont sublimes, je pense notamment à la Sierra Nevada, chaine de montagne très enneigée lorsque je m'y suis rendue -et où accessoirement se trouve le point culminant de l'Espagne à 3.000 et des brouettes-. Et puis, il y a le mirador San Nicolas... Alors, bon, comment dire ? J'ai souvent été époustouflée cette année devant des paysages, mais émue comme ça, rarement. On y accède après avoir avalé par mal de dénivelé -c'est pas un trek, mais quand même, ça se mérite-, et lorsque l'on arrive, on se trouve juste en face de l’Alhambra sur lequel on a une vue juste parfaite.... Je n'ai pas spécialement visité de monuments ou autres, donc je n'ai pas grand chose à ajouter à mon précédent article, sur l'Alhambra. Mais voici quelques photos -pour celles de l'Alhambra, je vous laisse retrouver l'article datant de novembre, je n'en ai de toute façon quasiment pas prise la seconde fois, pour mieux profiter-.


L'Alhambra se détachant sur la Sierra Nevada





Et HOP on inverse : Grenade et le mirador depuis l'Alhambra

Cordoue

Je voulais aller à Cordoue depuis mon arrivée en Espagne. Mais c'est normal, tout le monde veut aller à Cordoue, cette ville est un miracle. Plus encore que dans le reste de l'Andalousie, l'héritage musulman y est très présent, notamment car elle était la capitale de l'Espagne musulmane. On s'y sent vraiment comme dans un autre monde -bon d'accord, c'est la phrase que j'ai lue dans mon guide, en plus mal formulée...-. Des petites ruelles, extrêmement fleuries, des patios à ne plus savoir où regarder, et au milieu de ce labyrinthe, l'Alcazar -le palais des rois catholiques, construit au XIVe siècle, et servant par la suite comme siège de l'Inquisition-, et surtout, la Mosquée, chef d'oeuvre du genre, et curiosité historique puisqu'elle illustre à elle seule le double héritage andalou : elle est aujourd'hui, officiellement, une cathédrale mais, heureusement, les chrétiens n'ont jamais réussi à éradiquer les traces musulmanes, qui dominent largement l'ensemble..Il n'y a donc pas à s'étonner de voir des crucifix accrochés à proximité du mirhab...

Cordoue depuis l'Alcazar

Alcazar

Mosquée-Cathédrale





Pont Romain

Malaga

Pas de quoi être décue, puisque je le savais, mais ça n'est clairement pas pour son patrimoine que l'on se rend à Malaga. Le théâtre romain et l'Alcazaba -la Citadelle- valent réellement le détour, mais en général, la ville est surtout le point de passage de tous les touristes se rendant sur la Costa del Sol. L'aéroport de Malaga est d'ailleurs le plus fréquenté d'Espagne après ceux de Madrid et Barcelone. La ville est située en bordure de Méditerranée, mais pour la plage, on repassera : la Malagueta - plage locale - est située au bord d'une immense avenue, c'est moyennement glamour. J'y ai quand même fait un passage juste histoire de dire que j'avais été à la plage début avril. Alors pour rendre à Malaga ce qui est à Malaga, précisions quand même qu'elle abrite depuis peu le musée Picasso -puisqu'il est né ici, tout comme Antonio Banderas dans un autre genre-, et que ce musée est une vraie réussite -malheureusement, les photos y étaient, comme souvent en Espagne, interdites-.

Théâtre romain

Alcazaba



Malaga depuis l'Alcazaba

Bon, histoire de...

Gibraltar

J'étais en fait partie tout le week-end en voiture de location, folie folie! Mais ma première journée s'est résumée à manger sur la plage puis à aller à Jerez de la Frontera voir une corrida. La Féria s'y déroulait, je pensais en profiter un peu, mais j'avais été lâchement abandonnée par mes copines qui n'avaient pas envie de refaire un crochet là bas, donc j'ai tranquillement attendu que le matador beau gosse tue ses taureaux, et je suis repartie. Le lendemain, on est donc allées à Gibraltar et là, c'était marrant. D'abord, parce que la ville de Gibraltar, bien que située dans la province de Cadiz, est une possession anglaise : on y parle anglais, on y paye en livres, et on y mange du fish&chips (si on a les moyens parce qu'ils s'embêtent pas...). Pour l'anecdote, le temps y est anglais aussi puisqu'on s'y est pris de sacrés averses, alors qu'à peine la frontière repassée, il y avait un grand soleil, au bout d'un moment, ça ne peut pas être du au hasard!!!! Bon, pour l'histoire, le détroit de Gibraltar ne se trouve pas exactement à Gibraltar, mais l'Afrique y est tout de même très près, et on a pu distinguer les côtes africaines du haut de notre rocher, malgré le temps couvert. Autre subtilité du lieu : quand vous entrez dans Gibraltar, il vous faut traverser les pistes de l'aéroport à pied... vu la petite superficie du lieu, ils ont casé leur affaire comme ils pouvaient, et donc, il n'y a pas d'autre choix que de passer directement par la piste pour rejoindre le centre ville. Centre qui ne présente d'ailleurs pas d'autre intérêt que celui d'abriter un Mark&Spencer et des tas de boutiques où se vendent de l'alcool et des cigarettes pour trois fois rien. Le réel intéret de Gibraltar reste son énorme rocher, sur lequel on peut grimper -en télephérique, inconscients!-, notamment pour aller saluer les nombreux singes qui le peuplent -je sais toujours pas ce qu'ils foutent là d'ailleurs-. Alors, mise au point : LES SINGES C'EST PAS SYMPA. Voila, on s'est tous fait attaquer par ces horreurs. Plus jamais de ma vie, je veux voir des singes. -Cela dit, c'est très marrant à observer, on comprend tout ce qu'ils ont en commun avec les Hommes, c'est....perturbant-.




Ca en jette ou pas ??

Là c'est la Méditerranée (ou l'Atlantique)

Là, c'est l'Atlantique (ou la Méditerranée)

Et pour finir...

- Il fait TRES chaud. Je sais, je vous ai déjà dit ça, mais je savais pas qu'il pouvait faire encore plus chaud. 48° dehors, 35° dans ma chambre. Vous avez bien lu. Autant dire que je me suis sentie très bien aujourd'hui, car il ne faisait "que"... 36. A la question "mais comment vous faites pour dormir ?" la réponse est "on ne peut pas dormir".
- La saison des adieux a commencé. Les premiers Erasmus partent cette semaine. Il me reste 20 jours, que je vais passer à étudier pour les 16 premiers, puis a profiter de tout ce que Séville implique pour les 4 derniers. C'est triste, mais n'épiloguons pas là dessus... ça ne sert à rien. De toute façon, le climat me donne envie de rentrer en France, pour le coup.
- J'avais un autre truc à raconter, mais j'ai oublié quoi. Tant pis.

lundi 2 juin 2014

Le roi abdique, vive le roi!


En vrai, dans la vie, quand je suis bien réveillée, que j'ai la foi, que mon réveil fonctionne et qu'il ne pleut pas, j'étudie l'histoire. Accessoirement, en venant à Séville, j'ai décidé de me spécialiser en histoire de l'Espagne Contemporaine (des XIXe et XXe siècles). Donc, autant dire que la nouvelle tombée ce matin me parle directement. J'étais pressée car, comme toujours et encore plus depuis que je vis ici, en retard, quand l'alerte sur mon téléphone m'a prévenue d'un simple "le roi d'Espagne Juan Carlos I a décidé d'abdiquer", tellement pressée que j'ai juste pensé "ah ok". Mais, rapidement, j'ai réalisé que
- J'allais voir un couronnement à la télé (oui, pardon hein...)
- J'étais en train de vivre l'histoire en direct, et en tant qu'étudiante en histoire, ça me fout sacrément la chair de poule. 
Mais bon, on discute, mais à part ça, concrètement...

C'est lui. Coucou !


Concrètement, pourquoi il abdique ?


Juan Carlos va bientôt taper dans les 80 ans, on peut imaginer qu'il commence à en avoir ras la cravate d'aller signer des contrats en Arabie Saoudite et de devoir se taper la messe de Pâques à Palma de Majorque. En plus, monsieur ne pète pas la super forme : il a depuis peu enchainé les opérations, à la hanche, et, là dessus, il a été victime d'une belle hernie. Roi depuis le 22 novembre 1975 (oui, j'ai bien écouté en cours, j'ai même pas eu besoin de wikipédier l'info), il était donc dans sa 39e année de règne, moi, perso, je me lasse de la moindre activité au bout de 4 mois... Et puis, disons le, en Espagne, c'est pas la mega fiesta. Le pays est plongé dans une crise terrible depuis 2007, dont il ne semble pas pouvoir sortir pour l'instant. Le taux de chômage atteint des records bien tristes, les chantiers sont laissés à l'abandon... Bref, on s'amuse bien au Fun club le vendredi entre 2 et 6h du mat', mais à part ça, l'ambiance est morose. Ajoutez à cela que les deux partis principaux, à savoir le PP (équivalent de l'UMP, actuellement au pouvoir) et le PSOE (le parti socialiste espagnol) se sont pris une sacré rouste aux élections européennes. Bref. On l'imagine un peu lassé le Jean-Charles (c'est pas moi, c'est la traduction littérale...). Donc sa majesté a décidé d'aller se reposer un peu et de laisser la place à la nouvelle génération.

Concrètement, il a fait quoi de bien/mal ce roi ?


Bon. C'est pas l'amour fou ces derniers temps. La famille royale est plongée dans de bien fâcheuses affaires de corruption (c'est pas les seuls entre nous!!), le gendre du roi étant accusé d'avoir détourné, avec la complicité de l'Infante Cristina, fille du couple royal, un sacré pactole. Ca la fout un peu mal. De son côté, les espagnols reprochent au roi ses fastueux voyages, notamment en Afrique, où monsieur s'est récemment adonné à un passe temps bien douteux : la chasse à l'élephant. 

J'imagine que vous avez déjà vu cette photo. C'est pas glorieux, quoi.





On lui reproche également ses relations extra-conjugales, mais bon, c'est hélas un détail je crois dans ce genre de milieux ; d'autant plus que Juan Carlos est un Bourbon, descendant direct de Louis XIV et Louis XV, nos chauds lapins nationaux. Bref, c'est pas un modèle ce roi. Cependant, il faut tout de même lui reconnaitre certains faits plus glorieux. Tout d'abord, rappeler qu'il est arrivé sur le trône, nommé par Franco lui même comme son descendant, et couronné suite à la mort de ce dernier en 1975, donc. Si on a tendance à voir la guerre civile espagnole et la dictature franquiste comme des périodes désormais lointaines (c'est so XXe siècle!), Juan Carlos est, à ce jour, le premier et dernier souverain de la démocratie espagnole. Ca calme. Or, il faut reconnaitre qu'il est parvenu à sortir l'Espagne de la dictature et à la conduire vers la démocratie sans heurts. La transition s'est exercée comme un modèle du type, et si le roi n'a pas été jusqu'à clamer son amour de la République (on n'a pas dit ça, quand même), il faut lui reconnaitre cet "exploit", qu'il partage avec Suarez, alors chef du gouvernement.. Par ailleurs, en parvenant à s'entendre avec de nombreux chefs d'état étrangers, et surtout européens, il a assuré à l'Espagne. le maintien de bonnes relations avec de nombreux autres pays. Clairement, Suarez étant décédé en mars dernier, et le roi n'étant désormais plus, c'est une immense page de l'histoire espagnole qui s'achève en cette année 2014.

Concrètement, qui va régner maintenant ?


Ah, on sent le coup de frais là!


Felipe Juan Pablo Alfonso de Todos los Santos de Borbón y Grecia, fils cadet de Juan Carlos et de la reine Sofia de Grèce, 46 ans. Il est le petit dernier de la famille, mais si la loi espagnole autorise les femmes à régner, elle octroie tout de même la priorité à ces messieurs (c'est moche! quand on sait que même l'Angleterre a modifié tout ça -pour pas grand chose vu que le petit George n'est visiblement pas une fille, mais saluons l'effort-). Préparé à son destin depuis sa naissance (on dirait du Disney), le prince a été formé dans les meilleures écoles d'Espagne et des Etats-Unis. Il maitrise parfaitement l'espagnol (encore heureux!), l'anglais et le français (langue que se doit de parler la famille royale comme en hommage à ses origines). Il ne traine pas de casseroles particulières, contrairement à sa soeur, donc, et après avoir mené mon enquête auprès des espagnols (jai posé la question à un pote entre deux bières, quoi), il jouit plutôt d'une bonne image, même si on attend surtout de voir ce qu'il va faire maintenant. Felipe montera sur le trône sous le nom de Felipe VI. Il est marié à Letizia Ortiz Rocasolano. Alors, ça, ça a été toute une histoire!

Elle a la classe, Letizia!

Je connais bien leur petite histoire parce que j'ai regardé un film sur eux un soir où j'avais un examen à réviser AHAH. Et aussi parce que je suis une lectrice assidue de Gala en France et de Hola en Espagne (excusez moi, hein!). Letizia était, dans sa jeune jeunesse, mariée à l'un de ses anciens profs (limite glauque hein!), et journaliste, présentatrice vedette du journal télévisé peu avant sa rencontre avec Monsieur le Prince. Ca a été un peu comme si Claire Chazal tombait amoureuse de François Hollande (j'essaye de simplifier la chose). Entre temps, elle avait divorcé, mais quand même, ça a fait un peu tâche. Finalement, les deux se sont fiancés, elle a quitté TVE, la chaine nationale, et a épousé le prince en grande pompe en mai 2004 (même que je me rappelle que j'avais regardé à la télé et que j'avais trouvé sa robe moche). Ils ont depuis eu deux filles : Leonor, née en octobre 2005, et Sofia, née en avril 2007. L'ancienne journaliste va donc être couronnée reine consort d'Espagne et Leonor devient l'héritière du trône, n'ayant pas eu de frère pour lui griller la place, à seulement 8 ans.

Sont trop choux!! Sofia à gauche, Leonor à droite.

Concrètement, maintenant, il va se passer quoi ?


Les républicains aimeraient qu'il se passe pas mal de choses. Depuis ce matin, les rues d'Espagne sont envahies par les nombreux espagnols désirant un referendum pour approuver, ou non, un tel changement. Ils espèrent pouvoir profiter de l'abdication du roi pour mettre fin au régime monarchique. Honnêtement, le pouvoir du monarque espagnol est ridicule, il ne sert grosso-modo qu'à la représentation (et coute cher!). En gros, il me semble que l'instauration de la IIIe République (elles ont été brèves, mais il y a déjà eu deux républiques en Espagne, une au XIXe siècle, et l'autre juste avant la guerre civile dans les années 30) ne changerait strictement rien à la vie quotidienne des espagnols. Pour le principe, je peux comprendre qu'ils exigent un référendum, qu'ils n'obtiendront cependant certainement pas. Ce qu'il se passe, cependant, c'est qu'aucune loi, dans la Constitution espagnole, n'évoque la possibilité de l'abdication du roi. Il faut donc créer et approuver cette loi (ce qui aurait pu en effet être le sujet d'un referendum selon les espagnols de manière plus générale). Cela devrait être fait, en réalité, dans les prochaines semaines. A ce moment, et seulement à ce moment, Felipe pourra être proclamé roi d'Espagne. Et moi, je pourrai voir le couronnement à la télé (à moins que je ne sois invitée, c'est en discussions, vous pensez bien ahah!).

vendredi 30 mai 2014

"Je suis comme l'Europe je suis tout ça, je suis un vrai bordel. "

GUESS WHAT??? Je passe mon premier examen du second semestre lundi. Oui, ce lundi dans 3 jours. Du coup, je me suis dit que c'était le moment idéal pour procrastiner. J'en ai fait des choses pour l'occasion :
- J'ai enchainé trois lessives
- J'ai coupé ma frange qui m'arrivait en haut du nez tout de même -j'en avais oublié que j'avais une frange-.
- J'ai regardé tous les matchs de Roland-Garros que je pouvais regarder -en streaming car l'Espagne n'a pas les droits télé, super.... après renseignement, nous aurons droit aux demi et à la finale si au moins un espagnol y est présent (c'est probable, cela dit!!)-.
- J'ai fait la vaisselle. Même celle de mes colocs, c'est dire comme j'ai pas le courage de réviser
- J'ai même trouvé le temps de passer 5h à l’hôpital après une mauvaise chute (pour au final, qu'on me dise "non c'est rien", je me plains pas, hein, mais tant qu'à faire... autant me mettre un plâtre après m'avoir tant fait patienter).

BREF. Cela dit, nous voilà à 3jours de l'examen, et je n'ai plus rien à faire, donc j'ai décidé de penser pour ne surtout pas travailler. Et, du coup, de penser à voix haute, donc vous serez les témoins privilégiés de ma réflexion. LUCKY PEOPLE! Comme dirait Manau (mais si, "la tribu de Dana", toussa toussa), "j'étais seule sur mon lit en train de réfléchir en train d'imaginer ce que serait mon avenir quand j'ai décidé de stopper mes délires, ma réalité c'était de me mettre à écrire" (à peu près). Alors, j'ai eu plein d'idées d'articles, vraiment plein :
- Mon petit feuillet touristique sur l'Andalousie, mais ça prend du temps
- Un debrief des élections européennes, mais ça soulerait tout le monde
- Un petit résumé de "comment on fait pour apprendre l'espagnol" mais, honnêtement, la réalité, c'est que je l'ai surtout appris en regardant la télé et en lisant Cosmo -oui, d'accord, en parlant avec les gens aussi, j'ai appris toutes sortes de phrases que l'on n'apprend pas à l'école-. 
- Un article déprimant pour vous dire que je pars bientôt, mais si je commence, je vous en fais un tous les jours comme ça.

BREF. Donc, je vais faire un mélange de tout ça. Mais, quand même, je voudrais commencer en vous parlant de l'Europe. J'ai pas pensé à changer mon inscription sur les listes électorales, mea culpa, c'est un peu de ma faute tout ça, je n'ai pas voté. Mais quand même, je ne vous remercie pas non plus. Voilà une semaine que tous les étrangers croisant ma route me disent la même chose : "ah ah Marie, El Frente Nacional, bravo bravo....". Voilà, méga honte sur nous, je vous raconte pas. D'ailleurs, c'est ce que je leur réponds. Je m'excuse presque : "oui, c'est nul ce qu'on a fait, désolée." Parce que vous voulez leur dire quoi à ces pauvres espagnols ? "Vous comprenez, avec le gouvernement qu'on a", mais faut voir le leur... "C'est qu'on galère en France, faut comprendre ça", et eux, donc... Au passage, je me suis fait littéralement engueulée par mon coloc après avoir comparé une enième fois les prix français et espagnol, ça ressemblait à quelque chose du genre "Franchement Marie, maintenant tu arrêtes, tu te rends pas compte". Non, je me rendais pas compte, en effet. Je voudrais pas faire la morale, mais le taux de chômage en Espagne est quand même de 25%, il passe à 50% chez les moins de 25 ans. Ca calme, voila. Et puis moi, cette Europe, je l'aime plutôt. J'y connais pas grand chose. Je ne pense, égoïstement, qu'avec mon vécu. Mais il se trouve que tout cela se produit alors que je suis justement en Erasmus, un programme de mobilité EUROPEENNE, un programme crée pour que les jeunes voyagent à travers l'Europe, découvrent l'Europe, vivent l'Europe. En Espagne, je parle de la France, et je découvre des tas d'autres pays européens que je raconterai dès mon retour chez moi. J'importerai l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, le Royaume-Uni et tant d'autres. Il n'y avait pas de frontières cette année autour de moi, pas de pays. Tous ces gens dont je ne parlais pas la langue, j'ai pourtant communiqué avec eux, chacun, nous avons appris l'espagnol puisque c'est là que nous avions décider de passer un an, tout comme nous aurions pu apprendre l'italien ou le finnois. Ce que je veux dire, c'est que l'Europe, pour moi, c'est pas les députés, c'est pas Strasbourg ni Bruxelles ; l'Europe, c'est tous mes amis et puis c'est un peu moi aussi. Vous m'avez énervée, franchement. Vous m'avez rendu un peu triste aussi... je lui dis quoi à ma coloc turque qui commente les résultats français en regardant les infos d'un "oh, c'est pas bon pour nous ça" ?....

Bon, à part ça, je peux pas m'en empêcher de vous en parler, ça sent quand même le sapin par ici...On a tous nos billets d'avion ça y est. Les deux questions récurrentes en ce moment sont "tu pars quand ?" et "tu fais quoi l'an prochain?". Ce qui est fou, c'est que je n'ai jamais entendu personne répondre "bah je continue ma petite vie pépére", ni même, "je retourne dans ma fac puis c'est reparti". Tous les gens avec qui je discute vont changer, soit de filière, soit de ville, soit éventuellement de pays. Je ne connais personne qui s'apprête à reprendre son siège dans un amphi dans lequel il avait passé les 3 années pré-Erasmus, personne. Nos projets seront plus ou moins réalisables, mais tous, nous sentons que quelque chose à un peu changé tout de même. Rentrer en France, en soi, ça n'est pas si grave, ça faisait partie du contrat. Je suis sans doute un peu dans le déni, voila pourquoi je répète en permanence "non mais moi je reste" alors que je sais très bien que je ne reviendrai que par moments, le temps d'avancer mon mémoire. Etre en France ne me gêne pas. Mais, être en France, au même endroit qu'avant, comme avant, c'est plus compliqué, je ne saurais pas dire pourquoi. Et c'est visiblement le cas de tout le monde. Donc voilà, juin commence dimanche et verra les premiers départs. On va en entendre des valises passer dans la rue. Je crois que le chauffeur du bus de l'aéroport n'a pas fini de sourire à ces pauvres jeunes en larmes -faut pas croire qu'on va partir la fleur au fusil, hein-. Je pars le 6 juillet. On pourrait penser que j'ai le temps, mais mon dernier examen est le 3. Donc, au final... On savait très bien qu'on avait le droit de profiter jusqu'aux examens. Que ce serait la dernière chose que l'on aurait à faire avant de partir. Et nous y voila...

En attendant, je vais à la plage. Ce week-end, tutafé, alors que j'ai un examen à réviser, tutafé. Mais on a été invités, des amis et moi, à un week end plage, on n'allait pas refuser, d'autant plus qu'une de mes amies du 1er semestre revient d'Allemagne et reste jusqu'à mardi. C'est magnifique. Ensuite, on arrêtera de se promener comme ça. Et il faudra songer à trier tout ce bazar accumulé dans la chambre, à valider ses examens, et à aller acheter deux autres valises chez le chinois, parce que là, clairement, niveau bagages, je suis dans la merde!! D'ici là, bisous bisous. Je serai de retour dès qu'il faudra que je procrastine à nouveau.

mercredi 14 mai 2014

Vámono' pa' la Feria!!!!

Je tiens TOUJOURS mes promesses. Donc, quand je vous promets que je vais enchainer avec un 2e article en quelques jours, JE LE FAIS! Admirez. En fait, c'est surtout que si je vous raconte la Feria en octobre, ça aura tout de suite moins d'intérêt. Alors, puisque l'on m'a demandé plusieurs fois "mais en fait, la Feria, c'est qouuuuuaaaa ?", je vais vous faire un petit cours magistal.

La Feria, s'appelle en vrai "la Feria de Abril", donc déjà, ça commence mal, puisqu'elle était cette année célébrée en mai. Comment cela se fait-il ?, me direz vous... Cela se fait qu'elle est toujours célébrée deux semaines après la Semaine Sainte, donc si le christ a ressuscité un peu plus tard cette année, la Féria commence un peu plus tard. Elle dure une semaine, en réalité, 6 jours, du lundi minuit -enfin, du mardi quoi, du coup- au dimanche minuit. Elle trouve ses origines dans les ventes de bétail du XVIIe siècle, et est devenue une réelle institution au XIXe siècle. C'est paradoxal, c'est une sorte de grand foutoir, mais très codifié (s'il vous plait, n'allez pas leur répéter que j'ai qualifié ça de "foutoir", mais c'est un compliment en réalité!!). Contrairement à ce qu'on pourrait penser, elle n'a pas lieu dans tout Séville, mais dans un quartier très précis, le barrio de Los Remedios (à l'autre bout de chez moi, ÉVIDEMMENT!!). Il se trouve de l'autre côté du Guadalquivir, pendant une semaine, les ponts enjambant le fleuve deviennent donc des passerelles remplies de femmes en traje de flamenca (la robe, quoi), et de calèches. Car oui, on ne va pas à la Féria habillé n'importe comment. Les femmes portent donc ce fameux traje, robe impressionnante à volants, ajoutent une fleur dans leur cheveux et complètent leur tenue d'immense boucles d'oreille. Elles peuvent très bien s'y rendre sans tout cet attirail, mais dans ce cas, tenue correcte exigée! Perso, j'avais décidé de jouer le jeu, et j'avais acheté une robe -d'occasion parce que c'est trèèèès cher-, une rose, tout, tout, tout! Comme ça n'est tout de même pas ce qu'on a fait de plus pratique, je l'ai délaissé plus tard et je me suis contentée d'une jolie robe et d'une fleur dans les cheveux. Les hommes sont particulièrement élégants, ils portent, dans de rares cas, l'habit traditionnel, ou bien un costume.


La Feria commence donc le lundi soir. On retrouve ses amis pour un diner composé de pescaito (entendez par-là "pescadito" mais avec l'accent andalou, il s'agit de poissons frits). Les propriétaires de casetas (on y revient, restez attentifs!) dinent à l'intérieur de la Féria, les autres peuvent se retrouver chez eux, ou dans des bars à tapas. Après le diner, tout Séville, grosso modo, prend la direction de la grande porte d'entrée de la Féria, afin d'assister à l'alumbrao (encore une fois, en vrai, on dit "alumbraDo"), à savoir l'éclairage de la porte, effectué par le maire himself. Il a lieu à minuit PILE POIL (il n'y a donc pas que pour la corrida que les espagnols sont toujours à l'heure!).





Et à partir de là, le film commence. Il va durer une semaine. On pénètre donc dans l'enceinte de la Féria, il s'agit d'une dizaine de rues, dont l'une d'elle, la Calle del Infierno, est en fait une fête foraine géante. Toutes sont bordées de ces fameuses casetas. Ce sont des petites maisons, sous des espèces de grandes tentes (parait qu'il faut surtout pas dire que c'est des tentes, mais bon...), comprenant un bar, quelques tables, une piste de danse et des toilettes sommaires. Elles sont, dans 95% des cas, privées, c'est à dire que l'on n'y accède que sur l'invitation de l'un des propriétaires. Seules 15 d'entre elles sont publiques, elles sont répertoriées au bureau d'information que je n'ai jamais trouvé!

Oui, bon, j'ai pas mieux comme photo!





Donc, c'est à ce moment là qu'il devient intéressant d'avoir des amis locaux! C'est mon cas, donc j'ai été invitée dans plusieurs casetas, et j'ai pu ainsi vraiment profiter de la Féria ; mais il est vrai que les touristes peuvent se sentir rapidement exclus. Cependant, si on joue le jeu de venir bien sappés, et que l'on montre que l'on a envie de s'amuser et de découvrir, on peut assez facilement finir par entrer dans une de ces pièces secrètes. 

Bon, donc, on fait quoi pendant tout ce temps ?

La fête dure, en général, de 13h à 6h du matin (oui, c'est long, et ça demande une grande endurance). Jusqu'à 20h30 se déroulent les défilés de chevaux, dont je n'ai aucune photo puisque je suis toujours arrivée trop tard...Mais il parait que c'est beau. A part ça, c'est somme toute très classique : on mange (des spécialités locales, que l'on paye cher si le propriétaire de la caseta n'a pas décidé d'offrir sa tournée générale), on boit (surtout de la manzanilla -vin blanc à base de pomme, très fort, pas bon, beurk, testé pas approuvé-, et du rebujito -manzanilla mais mélangée à du sprite, très (trop!!) testé, très approuvé-) et on danse (la sévillane, et surtout pas le flamenco espèces de touristes!!). La sévillane est en réalité plus simple que le flamenco d'ailleurs, elle se compose de quatre épisodes comportant un certain nombre de pas qui sont toujours chorégraphiés de la même façon : c'est comme le vélo ou la lecture, une fois que vous savez, vous savez. En l'occurrence, je savais, enfin, après 5 mois de cours! Comme je n'ai absolument pas l'intention de m'exposer bêtement sur l'espace public d'internet en train de danser, je vous laisse donc faire une recherche google pour en savoir plus. Donc, on fait ça jusqu'à 5-6h du matin, on, mange quelques churros trempés dans du chocolat qui brule la langue, et ensuite on attend 2h, soit le bus, soit le taxi, et on rentre chez soi avec la tête qui tourne et des ampoules au pied. Et vous savez quoi ? Le pire, c'est que le lendemain, on y retourne quand même !

En réalité, si la Feria se limite dans les faits à un seul quartier, elle envahit bel et bien tout Séville. Déjà, parce qu'avant d'aller festoyer, bon nombre de sevillans se pressent à la Plaza de Toros pour assister aux corridas (il y en a une chaque jour de la Féria). Puisque, rappelez vous-en, je suis une barbare sanguinaire, j'ai donc été assister à celle de vendredi (en réalité, c'est parce qu'une amie venue me voir voulait en profiter pour en voir une, et parce qu'Enrique Ponce toréait ce jour là et que ça m'apétécait bien de le voir toréer -"apetecer", c'est un verbe espagnol, mais, comme ça m'arrive parfois, je ne trouve absolument plus la traduction française..... en gros, j'avais envie de le voir toréer-). 





Et puis, il faut bien s'y déplacer jusqu'à cette Feria, on passe donc une semaine à croiser des centaines de personnes en habit traditionnel ; pour les plus aisés, perchés sur des calèches. Un sacré ballet, il faut le voir pour le croire....

Bon, je récapépéte :

- vers 13h, les casetas ouvrent, mais nous, on dort encore
- vers 15h, on se réveille
- à 18h, les uns vont aux arènes, les autres assistent aux défilés des chevaux (et ne sont pas moins cruels puisque certains chevaux n'ont pas survécu au traitement qu'ils ont subi à coups de journées entières posés debout sur les pavés à tirer des charrettes sous 40°, mais bon...)
- à 21h, on arrive à la Féria
- à 22h, on en est à sa 3e jarre de rebujito (j'ai bien essayé de commander au verre, mais z'ont pas voulu...)
- à 23 on a mal aux pieds
- à un moment on se met à danser
- au lever du jour, on en est à sa 11e jarre de rebujito, on décide de rentrer.
- vers 15h, on recommence.

Le dimanche soir, on a fini par aller faire quelques tours de manèges, puis on a gentiment attendu le feu d'artifice cloturant cette folle semaine.



Ca a sans doute été l'une des expériences les plus incroyables de ma vie! C'est comme assister au tournage d'un film, mais dans lequel on a le droit de jouer. Je pense que mes cheveux vont sentir la laque durant les 5 prochaines années à force d'en avoir aspergés mes boucles et mes chignons, mes pieds ont terminé la semaine en sang, et j'ai les lèvres gercées de trop de rouge à lèvres mais qu'est ce que ça valait le coup! Lundi matin, nous étions à nouveau tous en jean ou shorts, les chevaux avaient perdu leurs grelots et Séville semblait bien triste. Le temps que tout le monde se réhabitue à la vie normale...


T'as rien oublié ??

Si, quand même, faut que je vous dise que :

- Je sais que vous avez froid, vous autres, en France, mais bordel vous imaginez pas la chance que vous avez! La Féria a, parait-il, été la plus chaude de ces dernières années et je veux bien le croire. Depuis une semaine, le thermomètre dépasse allégrement les 40° dans l'après midi. Moi qui me revois, ébahie, devant les 36° que je voyais affichés en septembre, je rigole jaune maintenant quand j'en vois 45...
- La Feria a aussi ses mauvais côtés : les ladrones -à ne pas confondre, en lisant vite, avec les lardons, qui ne présentent pas en soi de défaut majeur-, il s'agit des voleurs. Toutes les personnes que je connais se sont fait voler quelque chose, de l'appareil photo au portefeuille en passant par le téléphone. Donc, j'ai pris énormément de précautions et je m'en sors avec brio puisque seule ma carte d’identité manque à l'appel de l'inventaire post-fête (si, vous savez, cet inventaire qu'on fait en se réveillant, et en retournant son sac en retenant sa respiration...). Et comme je doute qu'on me l'ait volée, juste comme ça, je pense qu'elle s'est simplement suicidée en tombant de mon sac. En soi, c'est pas grave puisque j'ai mon passeport, mais dans les faits, c'est assez relou tout de même puisque j'ai gagné un passage bonus au Consulat français pour déclarer la perte....
- Seville est magique, comme le PSG et même encore plus parce qu'on a gagné l'EuropaLeague !!! Oui, donc j'ai regardé un match de foot, en mangeant une pizza, si señor!! J'ai crié "Putain" quand les tirs cadrés ne passaient pas et "VAMOOOO" quand ils passaient (c'est à dire juste à la fin puisque ça s'est fini aux tab). Et donc, je dis maintenant "ON a gagné", enfin bon, tous ces trucs que j'ai toujours trouvés ridicules, mais que voulez vous, en tant que française, j'ai bien peur de ne pas pouvoir fêter beaucoup de victoires dans ma vie!
- La Féria c'était tellement bien que j'y retourne, mais à celle de Jerez (c'est dans la province de Cadiz donc pas bien loin) qui a lieu cette semaine. Je fais juste un A/R rapide, et j'en profite pour aller à la corrida de vendredi (décidément, quelle meurtrière je fais) parce que Manzanares torée et qu'il est très beau (vous me demandez hein, si vous voulez des analyses sportives ou autres brillantes et réfléchies). Puis, samedi, normalement, je vais à Gibraltar! Donc, il faut que je potasse mon anglais, parce que ça vire à la catastrophe ma maitrise de la langue de Shakespeare...

A plus tard dans la mare!!!
(Pardon, je sais pas ce qui m'a pris!)




lundi 12 mai 2014

Penser au retour. Ou pas.

Cette fois, ça commence sincèrement à sentir la fin. Dans les faits, il me reste encore plusieurs semaines à passer à Séville, 7 si je ne me trompe pas. Mais, seulement 3 avant la fin des cours. Ensuite, les examens commenceront. Et puis, quelques jours après avoir rendu la dernière copie, j'irai prendre mon avion. Et puis, de toute façon, entre nous, 7 semaines, c'est de toute façon assez peu. C'est un peu compliqué d'expliquer ce qui nous passe par la tête. Oui, parce que j'imagine que je ne suis pas la seule à ne pas trop savoir quoi penser. Il y a maintenant environ un an, j'ai appris que j'allais pouvoir partir à Séville, projet que j'avais effectivement en tête depuis plusieurs mois, mais dont je n'avais jamais, contrairement à de nombreuses personnes rencontrées ici, réellement rêvé. Là où ils pensaient "absolument", je me disais "pourquoi pas". Et, paradoxalement, mon principal objectif n’était ni de faire la fête, ni d’avancer dans mes études, ni d’embellir mon CV, ni d’apprendre l’espagnol, même si, au final, ces conditions ont été remplies, heureusement. Non, en réalité, j’avais décidé de partir à l’étranger seulement quelques mois avant, uniquement pour… partir, justement. J’étais fatiguée du cliché et pourtant véridique rythme metro-boulot-dodo, fatiguée de vivre dans une cage à lapin, d’additionner mes temps de transports et de correspondance pour savoir si j’aurai le RER de 15h14 en ne prenant que le bus de 15h01. Pas assez sportive, je m’étais rapidement essoufflée. Un rapide coup d’œil autour de moi m’avait confirmé que rien ne me retenait là où j’étais, du moins, rien qui ne pourrait m’empêcher de prendre le large, seulement quelques mois. Tout le reste n’a été que prétexte : une année d’études en plus ? Prétexte. Séville ? Parfait, puisque ça n’était pas Paris. 

Je n'ai pris conscience de ce que signifiait "partir à l'étranger" que bien plus tard, je crois qu'en fait, je n'en ai pris conscience qu'après mon arrivée ici. Je me connaissais quand même un peu, j’imaginais les premiers jours difficiles. Et non, je me revois, maintenant, me promener dans Séville, totalement inconsciente de ce qui venait de se passer et de ce qui allait se passer ensuite. Pendant plusieurs jours, j’écoutais mes nouveaux amis raconter leurs larmes à l’aéroport, les séparations difficiles, les horribles premières soirées, en me demandant comment il était possible que moi, je ne sois pas passée par tout cela. J’écoutais ma coloc me dire qu’elle s’était mise à pleurer sur le chemin de l’école sans comprendre pourquoi, en lui confirmant que « oui, c’est sur, c’est pas simple tout ça », alors que finalement, je m’en sortais drôlement bien. Il a fallu plus d’un mois avant que je ne craque pour la première fois devant une difficulté. Plus d’un mois avant que, moi aussi, je ne finisse par prononcer le fameux « il faut que je rentre un peu chez moi là ». Et, ça, franchement, cette résistance, je ne l’avais pas soupçonnée un seul instant. Pourtant, avec le recul, il est évident que l'on ne peut pas prendre conscience de ce que l'on fait. Imaginez donc... la veille de mon départ, si j'avais regardé ma valise en me disant "bon, c'est génial, demain je pars dans un endroit où je ne connais personne, où je n'ai jamais mis les pieds, dans un pays dont je parle à peine la langue", j'aurais sans doute ramené ma valise dans ma chambre, je l'aurais défaite, et je ne serais jamais partie.

Ma dernière semaine en France, la première de septembre 2013, je l’avais passée devant la télé, pour m’abreuver une dernière fois de toutes ces stupidités sans lesquelles il faudrait apprendre à vivre. Les premières semaines en Espagne, j’ai téléchargé toutes les applications possibles et imaginables pour regarder la télé française. Non pas que je sois spécialement accro, mais certaines émissions étaient comme une petite routine, et sans doute que cela me rassurait de pouvoir la maintenir. Mais, souvent, il est très compliqué de regarder un replay, ou une émission en direct depuis l’étranger. Un beau soir de janvier, pour la première fois, l’accès à la dernière émission que je pouvais encore regarder m’a été refusé. J’ai eu beau lancer l’application, rien à faire. J’ai paniqué. 27 secondes, à peu près. Puis, je n’ai plus jamais regardé cette émission. Et j’ai découvert qu’il y avait un tas de choses qui n’étaient pas si indispensables que ça. Bien sur, les gens restés en France le sont, indispensables (dans l'ensemble en tout cas!). Mais le reste...

Alors, voilà. Avant mon départ, on m'a beaucoup charriée à coups de "ahah, tu vas voir, tu reviendras pas". Je riais, je trouvais ça ridicule, bien sur que j'allais revenir, fallait pas exagérer quoi! Les gens ayant déjà vécu ce genre d'expérience me disaient, eux "ce qui est certain, c'est que tu voudras repartir, un jour". A la rigueur, je pouvais comprendre ça, mais sans réellement savoir si ce serait mon cas. Pourtant, à peine arrivée, ce n'est même pas que j'ai aimé ce pays, c'est différent, je ne sais pas comment m'expliquer sans avoir l'air ridicule. Disons que j'ai senti que c'est là qu'il fallait que je sois à ce moment précis. Mais j'imaginais que 10 mois plus tard, j'aurais fait mon temps et que je pourrais rentrer grand sourire aux lèvres et cheveux au vent. Sauf que. C'est pas si simple. C'est même très compliqué. Je crève d'envie d'être chez moi, j'entends, d'être chez moi pour de bon, pas 4 jours. Je veux retourner à Paris, que je n'ai pas vue depuis près de 5 mois, où m'attendent tellement de choses et de personnes. Vraiment. J'en ai envie, j'en ai besoin. Et pourtant, je ne me sens absolument pas capable de laisser tout ce que j'ai construit à Séville. C'est trop tôt. J'y découvre encore des rues, des restaurants, des saveurs, des odeurs, et des gens. 

Bon. Il se trouve qu'en septembre, si les choses se passent comme elles sont censées se passer, je validerai mon M1 d'histoire. Théoriquement, je dois poursuivre en M2 l'année prochaine. J'ai beaucoup hésité sur ce que je ferai cette année là, justement. Je suis maintenant fermement décidée à poursuivre mon mémoire car mon sujet me plait. Or, je travaille sur une revue andalouse. Je ne trouverai rien à Paris là dessus, d'où la proposition de mon directeur de recherche d'effectuer "quelques aller/retour à Séville" dans l'année. L'idée m'a forcément plu. Mais tout cela implique de retourner vivre à Paris, d'y repayer un loyer, pour rien durant quelques semaines. C'est financièrement parlant impossible -et honnêtement, moralement, ça ne l'est pas tellement moins-. En M2, je n'aurai que 3 cours, qui peuvent être suivis à distance. Alors, on me l'a suggéré... pourquoi ne pas transformer les quelques aller/retour à Séville en quelques aller/retour à Paris ? Pourquoi ne pas revenir dès la fin de l'été ? Ca ne serait pas comme cette année... hormis mes amis espagnols, les autres seront tous partis. Sans doute que la ville me paraitra différente. Mais, au fond, qu'importe. J'ai évoqué ce projet à pas mal de gens ici. A coups de "mais bon, je sais pas...". Et puis, l'une de mes potes a eu la réponse qui m'a décidée : "je comprends pas pourquoi t'hésites en fait". Je crois que je n'hésite plus... N'ayant aucun cours à Séville, je serai bien plus disponible pour passer en France, et je n'y manquerai pas. C'est chez moi, je ne peux pas, et je ne veux pas faire semblant d'être de Séville. Mais pour l'instant, désolée, je n'ai pas la force de monter dans cet avion en me disant que c'est terminé. Pour de bon.

(Bon, sinon, la Feria vient de s'achever. Je vous raconte tout très très bientôt (genre dans quelques jours, pas quelques semaines. C'était incroyable. Ou plus que ça. C'était Séville, quoi...)