Cette fois, ça commence sincèrement à sentir la fin. Dans les faits, il me reste encore plusieurs semaines à passer à Séville, 7 si je ne me trompe pas. Mais, seulement 3 avant la fin des cours. Ensuite, les examens commenceront. Et puis, quelques jours après avoir rendu la dernière copie, j'irai prendre mon avion. Et puis, de toute façon, entre nous, 7 semaines, c'est de toute façon assez peu. C'est un peu compliqué d'expliquer ce qui nous passe par la tête. Oui, parce que j'imagine que je ne suis pas la seule à ne pas trop savoir quoi penser. Il y a maintenant environ un an, j'ai appris que j'allais pouvoir partir à Séville, projet que j'avais effectivement en tête depuis plusieurs mois, mais dont je n'avais jamais, contrairement à de nombreuses personnes rencontrées ici, réellement rêvé. Là où ils pensaient "absolument", je me disais "pourquoi pas". Et,
paradoxalement, mon principal objectif n’était ni de faire la fête, ni
d’avancer dans mes études, ni d’embellir mon CV, ni d’apprendre
l’espagnol, même si, au final, ces conditions ont été remplies, heureusement.
Non, en réalité, j’avais décidé de partir à l’étranger seulement quelques mois
avant, uniquement pour… partir, justement. J’étais fatiguée du cliché et
pourtant véridique rythme metro-boulot-dodo, fatiguée de vivre dans une cage à
lapin, d’additionner mes temps de transports et de correspondance pour savoir
si j’aurai le RER de 15h14 en ne prenant que le bus de 15h01. Pas assez
sportive, je m’étais rapidement essoufflée. Un rapide coup d’œil autour de moi
m’avait confirmé que rien ne me retenait là où j’étais, du moins, rien qui ne
pourrait m’empêcher de prendre le large, seulement quelques mois. Tout le reste
n’a été que prétexte : une année d’études en plus ? Prétexte.
Séville ? Parfait, puisque ça n’était pas Paris.
Je n'ai pris conscience de ce que signifiait "partir à l'étranger" que bien plus tard, je crois qu'en fait, je n'en ai pris conscience qu'après mon arrivée ici. Je me connaissais quand
même un peu, j’imaginais les premiers jours difficiles. Et non, je me revois,
maintenant, me promener dans Séville, totalement inconsciente de ce qui venait
de se passer et de ce qui allait se
passer ensuite. Pendant plusieurs jours, j’écoutais mes nouveaux amis raconter
leurs larmes à l’aéroport, les séparations difficiles, les horribles premières
soirées, en me demandant comment il était possible que moi, je ne sois pas
passée par tout cela. J’écoutais ma coloc me dire qu’elle s’était mise à
pleurer sur le chemin de l’école sans comprendre pourquoi, en lui confirmant
que « oui, c’est sur, c’est pas simple tout ça », alors que
finalement, je m’en sortais drôlement bien. Il a fallu plus d’un mois avant que
je ne craque pour la première fois devant une difficulté. Plus d’un mois avant
que, moi aussi, je ne finisse par prononcer le fameux « il
faut que je rentre un peu chez moi là ». Et, ça, franchement, cette
résistance, je ne l’avais pas soupçonnée un seul instant. Pourtant, avec le recul, il est évident que l'on ne peut pas prendre conscience de ce que l'on fait. Imaginez donc... la veille de mon départ, si j'avais regardé ma valise en me disant "bon, c'est génial, demain je pars dans un endroit où je ne connais personne, où je n'ai jamais mis les pieds, dans un pays dont je parle à peine la langue", j'aurais sans doute ramené ma valise dans ma chambre, je l'aurais défaite, et je ne serais jamais partie.
Ma dernière semaine en
France, la première de septembre 2013, je l’avais passée devant la télé, pour
m’abreuver une dernière fois de toutes ces stupidités sans lesquelles il
faudrait apprendre à vivre. Les premières semaines en Espagne, j’ai téléchargé
toutes les applications possibles et imaginables pour regarder la télé
française. Non pas que je sois spécialement accro, mais certaines émissions
étaient comme une petite routine, et sans doute que cela me rassurait de
pouvoir la maintenir. Mais, souvent, il est très compliqué de regarder un replay,
ou une émission en direct depuis l’étranger. Un beau soir de janvier, pour la
première fois, l’accès à la dernière émission que je pouvais encore regarder
m’a été refusé. J’ai eu beau lancer l’application, rien à faire. J’ai paniqué.
27 secondes, à peu près. Puis, je n’ai plus jamais regardé cette émission. Et
j’ai découvert qu’il y avait un tas de choses qui n’étaient pas si
indispensables que ça. Bien sur, les gens restés en France le sont, indispensables (dans l'ensemble en tout cas!). Mais le reste...
Alors, voilà. Avant mon départ, on m'a beaucoup charriée à coups de "ahah, tu vas voir, tu reviendras pas". Je riais, je trouvais ça ridicule, bien sur que j'allais revenir, fallait pas exagérer quoi! Les gens ayant déjà vécu ce genre d'expérience me disaient, eux "ce qui est certain, c'est que tu voudras repartir, un jour". A la rigueur, je pouvais comprendre ça, mais sans réellement savoir si ce serait mon cas. Pourtant, à peine arrivée, ce n'est même pas que j'ai aimé ce pays, c'est différent, je ne sais pas comment m'expliquer sans avoir l'air ridicule. Disons que j'ai senti que c'est là qu'il fallait que je sois à ce moment précis. Mais j'imaginais que 10 mois plus tard, j'aurais fait mon temps et que je pourrais rentrer grand sourire aux lèvres et cheveux au vent. Sauf que. C'est pas si simple. C'est même très compliqué. Je crève d'envie d'être chez moi, j'entends, d'être chez moi pour de bon, pas 4 jours. Je veux retourner à Paris, que je n'ai pas vue depuis près de 5 mois, où m'attendent tellement de choses et de personnes. Vraiment. J'en ai envie, j'en ai besoin. Et pourtant, je ne me sens absolument pas capable de laisser tout ce que j'ai construit à Séville. C'est trop tôt. J'y découvre encore des rues, des restaurants, des saveurs, des odeurs, et des gens.
Bon. Il se trouve qu'en septembre, si les choses se passent comme elles sont censées se passer, je validerai mon M1 d'histoire. Théoriquement, je dois poursuivre en M2 l'année prochaine. J'ai beaucoup hésité sur ce que je ferai cette année là, justement. Je suis maintenant fermement décidée à poursuivre mon mémoire car mon sujet me plait. Or, je travaille sur une revue andalouse. Je ne trouverai rien à Paris là dessus, d'où la proposition de mon directeur de recherche d'effectuer "quelques aller/retour à Séville" dans l'année. L'idée m'a forcément plu. Mais tout cela implique de retourner vivre à Paris, d'y repayer un loyer, pour rien durant quelques semaines. C'est financièrement parlant impossible -et honnêtement, moralement, ça ne l'est pas tellement moins-. En M2, je n'aurai que 3 cours, qui peuvent être suivis à distance. Alors, on me l'a suggéré... pourquoi ne pas transformer les quelques aller/retour à Séville en quelques aller/retour à Paris ? Pourquoi ne pas revenir dès la fin de l'été ? Ca ne serait pas comme cette année... hormis mes amis espagnols, les autres seront tous partis. Sans doute que la ville me paraitra différente. Mais, au fond, qu'importe. J'ai évoqué ce projet à pas mal de gens ici. A coups de "mais bon, je sais pas...". Et puis, l'une de mes potes a eu la réponse qui m'a décidée : "je comprends pas pourquoi t'hésites en fait". Je crois que je n'hésite plus... N'ayant aucun cours à Séville, je serai bien plus disponible pour passer en France, et je n'y manquerai pas. C'est chez moi, je ne peux pas, et je ne veux pas faire semblant d'être de Séville. Mais pour l'instant, désolée, je n'ai pas la force de monter dans cet avion en me disant que c'est terminé. Pour de bon.
(Bon, sinon, la Feria vient de s'achever. Je vous raconte tout très très bientôt (genre dans quelques jours, pas quelques semaines. C'était incroyable. Ou plus que ça. C'était Séville, quoi...)
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