vendredi 30 mai 2014

"Je suis comme l'Europe je suis tout ça, je suis un vrai bordel. "

GUESS WHAT??? Je passe mon premier examen du second semestre lundi. Oui, ce lundi dans 3 jours. Du coup, je me suis dit que c'était le moment idéal pour procrastiner. J'en ai fait des choses pour l'occasion :
- J'ai enchainé trois lessives
- J'ai coupé ma frange qui m'arrivait en haut du nez tout de même -j'en avais oublié que j'avais une frange-.
- J'ai regardé tous les matchs de Roland-Garros que je pouvais regarder -en streaming car l'Espagne n'a pas les droits télé, super.... après renseignement, nous aurons droit aux demi et à la finale si au moins un espagnol y est présent (c'est probable, cela dit!!)-.
- J'ai fait la vaisselle. Même celle de mes colocs, c'est dire comme j'ai pas le courage de réviser
- J'ai même trouvé le temps de passer 5h à l’hôpital après une mauvaise chute (pour au final, qu'on me dise "non c'est rien", je me plains pas, hein, mais tant qu'à faire... autant me mettre un plâtre après m'avoir tant fait patienter).

BREF. Cela dit, nous voilà à 3jours de l'examen, et je n'ai plus rien à faire, donc j'ai décidé de penser pour ne surtout pas travailler. Et, du coup, de penser à voix haute, donc vous serez les témoins privilégiés de ma réflexion. LUCKY PEOPLE! Comme dirait Manau (mais si, "la tribu de Dana", toussa toussa), "j'étais seule sur mon lit en train de réfléchir en train d'imaginer ce que serait mon avenir quand j'ai décidé de stopper mes délires, ma réalité c'était de me mettre à écrire" (à peu près). Alors, j'ai eu plein d'idées d'articles, vraiment plein :
- Mon petit feuillet touristique sur l'Andalousie, mais ça prend du temps
- Un debrief des élections européennes, mais ça soulerait tout le monde
- Un petit résumé de "comment on fait pour apprendre l'espagnol" mais, honnêtement, la réalité, c'est que je l'ai surtout appris en regardant la télé et en lisant Cosmo -oui, d'accord, en parlant avec les gens aussi, j'ai appris toutes sortes de phrases que l'on n'apprend pas à l'école-. 
- Un article déprimant pour vous dire que je pars bientôt, mais si je commence, je vous en fais un tous les jours comme ça.

BREF. Donc, je vais faire un mélange de tout ça. Mais, quand même, je voudrais commencer en vous parlant de l'Europe. J'ai pas pensé à changer mon inscription sur les listes électorales, mea culpa, c'est un peu de ma faute tout ça, je n'ai pas voté. Mais quand même, je ne vous remercie pas non plus. Voilà une semaine que tous les étrangers croisant ma route me disent la même chose : "ah ah Marie, El Frente Nacional, bravo bravo....". Voilà, méga honte sur nous, je vous raconte pas. D'ailleurs, c'est ce que je leur réponds. Je m'excuse presque : "oui, c'est nul ce qu'on a fait, désolée." Parce que vous voulez leur dire quoi à ces pauvres espagnols ? "Vous comprenez, avec le gouvernement qu'on a", mais faut voir le leur... "C'est qu'on galère en France, faut comprendre ça", et eux, donc... Au passage, je me suis fait littéralement engueulée par mon coloc après avoir comparé une enième fois les prix français et espagnol, ça ressemblait à quelque chose du genre "Franchement Marie, maintenant tu arrêtes, tu te rends pas compte". Non, je me rendais pas compte, en effet. Je voudrais pas faire la morale, mais le taux de chômage en Espagne est quand même de 25%, il passe à 50% chez les moins de 25 ans. Ca calme, voila. Et puis moi, cette Europe, je l'aime plutôt. J'y connais pas grand chose. Je ne pense, égoïstement, qu'avec mon vécu. Mais il se trouve que tout cela se produit alors que je suis justement en Erasmus, un programme de mobilité EUROPEENNE, un programme crée pour que les jeunes voyagent à travers l'Europe, découvrent l'Europe, vivent l'Europe. En Espagne, je parle de la France, et je découvre des tas d'autres pays européens que je raconterai dès mon retour chez moi. J'importerai l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, le Royaume-Uni et tant d'autres. Il n'y avait pas de frontières cette année autour de moi, pas de pays. Tous ces gens dont je ne parlais pas la langue, j'ai pourtant communiqué avec eux, chacun, nous avons appris l'espagnol puisque c'est là que nous avions décider de passer un an, tout comme nous aurions pu apprendre l'italien ou le finnois. Ce que je veux dire, c'est que l'Europe, pour moi, c'est pas les députés, c'est pas Strasbourg ni Bruxelles ; l'Europe, c'est tous mes amis et puis c'est un peu moi aussi. Vous m'avez énervée, franchement. Vous m'avez rendu un peu triste aussi... je lui dis quoi à ma coloc turque qui commente les résultats français en regardant les infos d'un "oh, c'est pas bon pour nous ça" ?....

Bon, à part ça, je peux pas m'en empêcher de vous en parler, ça sent quand même le sapin par ici...On a tous nos billets d'avion ça y est. Les deux questions récurrentes en ce moment sont "tu pars quand ?" et "tu fais quoi l'an prochain?". Ce qui est fou, c'est que je n'ai jamais entendu personne répondre "bah je continue ma petite vie pépére", ni même, "je retourne dans ma fac puis c'est reparti". Tous les gens avec qui je discute vont changer, soit de filière, soit de ville, soit éventuellement de pays. Je ne connais personne qui s'apprête à reprendre son siège dans un amphi dans lequel il avait passé les 3 années pré-Erasmus, personne. Nos projets seront plus ou moins réalisables, mais tous, nous sentons que quelque chose à un peu changé tout de même. Rentrer en France, en soi, ça n'est pas si grave, ça faisait partie du contrat. Je suis sans doute un peu dans le déni, voila pourquoi je répète en permanence "non mais moi je reste" alors que je sais très bien que je ne reviendrai que par moments, le temps d'avancer mon mémoire. Etre en France ne me gêne pas. Mais, être en France, au même endroit qu'avant, comme avant, c'est plus compliqué, je ne saurais pas dire pourquoi. Et c'est visiblement le cas de tout le monde. Donc voilà, juin commence dimanche et verra les premiers départs. On va en entendre des valises passer dans la rue. Je crois que le chauffeur du bus de l'aéroport n'a pas fini de sourire à ces pauvres jeunes en larmes -faut pas croire qu'on va partir la fleur au fusil, hein-. Je pars le 6 juillet. On pourrait penser que j'ai le temps, mais mon dernier examen est le 3. Donc, au final... On savait très bien qu'on avait le droit de profiter jusqu'aux examens. Que ce serait la dernière chose que l'on aurait à faire avant de partir. Et nous y voila...

En attendant, je vais à la plage. Ce week-end, tutafé, alors que j'ai un examen à réviser, tutafé. Mais on a été invités, des amis et moi, à un week end plage, on n'allait pas refuser, d'autant plus qu'une de mes amies du 1er semestre revient d'Allemagne et reste jusqu'à mardi. C'est magnifique. Ensuite, on arrêtera de se promener comme ça. Et il faudra songer à trier tout ce bazar accumulé dans la chambre, à valider ses examens, et à aller acheter deux autres valises chez le chinois, parce que là, clairement, niveau bagages, je suis dans la merde!! D'ici là, bisous bisous. Je serai de retour dès qu'il faudra que je procrastine à nouveau.

mercredi 14 mai 2014

Vámono' pa' la Feria!!!!

Je tiens TOUJOURS mes promesses. Donc, quand je vous promets que je vais enchainer avec un 2e article en quelques jours, JE LE FAIS! Admirez. En fait, c'est surtout que si je vous raconte la Feria en octobre, ça aura tout de suite moins d'intérêt. Alors, puisque l'on m'a demandé plusieurs fois "mais en fait, la Feria, c'est qouuuuuaaaa ?", je vais vous faire un petit cours magistal.

La Feria, s'appelle en vrai "la Feria de Abril", donc déjà, ça commence mal, puisqu'elle était cette année célébrée en mai. Comment cela se fait-il ?, me direz vous... Cela se fait qu'elle est toujours célébrée deux semaines après la Semaine Sainte, donc si le christ a ressuscité un peu plus tard cette année, la Féria commence un peu plus tard. Elle dure une semaine, en réalité, 6 jours, du lundi minuit -enfin, du mardi quoi, du coup- au dimanche minuit. Elle trouve ses origines dans les ventes de bétail du XVIIe siècle, et est devenue une réelle institution au XIXe siècle. C'est paradoxal, c'est une sorte de grand foutoir, mais très codifié (s'il vous plait, n'allez pas leur répéter que j'ai qualifié ça de "foutoir", mais c'est un compliment en réalité!!). Contrairement à ce qu'on pourrait penser, elle n'a pas lieu dans tout Séville, mais dans un quartier très précis, le barrio de Los Remedios (à l'autre bout de chez moi, ÉVIDEMMENT!!). Il se trouve de l'autre côté du Guadalquivir, pendant une semaine, les ponts enjambant le fleuve deviennent donc des passerelles remplies de femmes en traje de flamenca (la robe, quoi), et de calèches. Car oui, on ne va pas à la Féria habillé n'importe comment. Les femmes portent donc ce fameux traje, robe impressionnante à volants, ajoutent une fleur dans leur cheveux et complètent leur tenue d'immense boucles d'oreille. Elles peuvent très bien s'y rendre sans tout cet attirail, mais dans ce cas, tenue correcte exigée! Perso, j'avais décidé de jouer le jeu, et j'avais acheté une robe -d'occasion parce que c'est trèèèès cher-, une rose, tout, tout, tout! Comme ça n'est tout de même pas ce qu'on a fait de plus pratique, je l'ai délaissé plus tard et je me suis contentée d'une jolie robe et d'une fleur dans les cheveux. Les hommes sont particulièrement élégants, ils portent, dans de rares cas, l'habit traditionnel, ou bien un costume.


La Feria commence donc le lundi soir. On retrouve ses amis pour un diner composé de pescaito (entendez par-là "pescadito" mais avec l'accent andalou, il s'agit de poissons frits). Les propriétaires de casetas (on y revient, restez attentifs!) dinent à l'intérieur de la Féria, les autres peuvent se retrouver chez eux, ou dans des bars à tapas. Après le diner, tout Séville, grosso modo, prend la direction de la grande porte d'entrée de la Féria, afin d'assister à l'alumbrao (encore une fois, en vrai, on dit "alumbraDo"), à savoir l'éclairage de la porte, effectué par le maire himself. Il a lieu à minuit PILE POIL (il n'y a donc pas que pour la corrida que les espagnols sont toujours à l'heure!).





Et à partir de là, le film commence. Il va durer une semaine. On pénètre donc dans l'enceinte de la Féria, il s'agit d'une dizaine de rues, dont l'une d'elle, la Calle del Infierno, est en fait une fête foraine géante. Toutes sont bordées de ces fameuses casetas. Ce sont des petites maisons, sous des espèces de grandes tentes (parait qu'il faut surtout pas dire que c'est des tentes, mais bon...), comprenant un bar, quelques tables, une piste de danse et des toilettes sommaires. Elles sont, dans 95% des cas, privées, c'est à dire que l'on n'y accède que sur l'invitation de l'un des propriétaires. Seules 15 d'entre elles sont publiques, elles sont répertoriées au bureau d'information que je n'ai jamais trouvé!

Oui, bon, j'ai pas mieux comme photo!





Donc, c'est à ce moment là qu'il devient intéressant d'avoir des amis locaux! C'est mon cas, donc j'ai été invitée dans plusieurs casetas, et j'ai pu ainsi vraiment profiter de la Féria ; mais il est vrai que les touristes peuvent se sentir rapidement exclus. Cependant, si on joue le jeu de venir bien sappés, et que l'on montre que l'on a envie de s'amuser et de découvrir, on peut assez facilement finir par entrer dans une de ces pièces secrètes. 

Bon, donc, on fait quoi pendant tout ce temps ?

La fête dure, en général, de 13h à 6h du matin (oui, c'est long, et ça demande une grande endurance). Jusqu'à 20h30 se déroulent les défilés de chevaux, dont je n'ai aucune photo puisque je suis toujours arrivée trop tard...Mais il parait que c'est beau. A part ça, c'est somme toute très classique : on mange (des spécialités locales, que l'on paye cher si le propriétaire de la caseta n'a pas décidé d'offrir sa tournée générale), on boit (surtout de la manzanilla -vin blanc à base de pomme, très fort, pas bon, beurk, testé pas approuvé-, et du rebujito -manzanilla mais mélangée à du sprite, très (trop!!) testé, très approuvé-) et on danse (la sévillane, et surtout pas le flamenco espèces de touristes!!). La sévillane est en réalité plus simple que le flamenco d'ailleurs, elle se compose de quatre épisodes comportant un certain nombre de pas qui sont toujours chorégraphiés de la même façon : c'est comme le vélo ou la lecture, une fois que vous savez, vous savez. En l'occurrence, je savais, enfin, après 5 mois de cours! Comme je n'ai absolument pas l'intention de m'exposer bêtement sur l'espace public d'internet en train de danser, je vous laisse donc faire une recherche google pour en savoir plus. Donc, on fait ça jusqu'à 5-6h du matin, on, mange quelques churros trempés dans du chocolat qui brule la langue, et ensuite on attend 2h, soit le bus, soit le taxi, et on rentre chez soi avec la tête qui tourne et des ampoules au pied. Et vous savez quoi ? Le pire, c'est que le lendemain, on y retourne quand même !

En réalité, si la Feria se limite dans les faits à un seul quartier, elle envahit bel et bien tout Séville. Déjà, parce qu'avant d'aller festoyer, bon nombre de sevillans se pressent à la Plaza de Toros pour assister aux corridas (il y en a une chaque jour de la Féria). Puisque, rappelez vous-en, je suis une barbare sanguinaire, j'ai donc été assister à celle de vendredi (en réalité, c'est parce qu'une amie venue me voir voulait en profiter pour en voir une, et parce qu'Enrique Ponce toréait ce jour là et que ça m'apétécait bien de le voir toréer -"apetecer", c'est un verbe espagnol, mais, comme ça m'arrive parfois, je ne trouve absolument plus la traduction française..... en gros, j'avais envie de le voir toréer-). 





Et puis, il faut bien s'y déplacer jusqu'à cette Feria, on passe donc une semaine à croiser des centaines de personnes en habit traditionnel ; pour les plus aisés, perchés sur des calèches. Un sacré ballet, il faut le voir pour le croire....

Bon, je récapépéte :

- vers 13h, les casetas ouvrent, mais nous, on dort encore
- vers 15h, on se réveille
- à 18h, les uns vont aux arènes, les autres assistent aux défilés des chevaux (et ne sont pas moins cruels puisque certains chevaux n'ont pas survécu au traitement qu'ils ont subi à coups de journées entières posés debout sur les pavés à tirer des charrettes sous 40°, mais bon...)
- à 21h, on arrive à la Féria
- à 22h, on en est à sa 3e jarre de rebujito (j'ai bien essayé de commander au verre, mais z'ont pas voulu...)
- à 23 on a mal aux pieds
- à un moment on se met à danser
- au lever du jour, on en est à sa 11e jarre de rebujito, on décide de rentrer.
- vers 15h, on recommence.

Le dimanche soir, on a fini par aller faire quelques tours de manèges, puis on a gentiment attendu le feu d'artifice cloturant cette folle semaine.



Ca a sans doute été l'une des expériences les plus incroyables de ma vie! C'est comme assister au tournage d'un film, mais dans lequel on a le droit de jouer. Je pense que mes cheveux vont sentir la laque durant les 5 prochaines années à force d'en avoir aspergés mes boucles et mes chignons, mes pieds ont terminé la semaine en sang, et j'ai les lèvres gercées de trop de rouge à lèvres mais qu'est ce que ça valait le coup! Lundi matin, nous étions à nouveau tous en jean ou shorts, les chevaux avaient perdu leurs grelots et Séville semblait bien triste. Le temps que tout le monde se réhabitue à la vie normale...


T'as rien oublié ??

Si, quand même, faut que je vous dise que :

- Je sais que vous avez froid, vous autres, en France, mais bordel vous imaginez pas la chance que vous avez! La Féria a, parait-il, été la plus chaude de ces dernières années et je veux bien le croire. Depuis une semaine, le thermomètre dépasse allégrement les 40° dans l'après midi. Moi qui me revois, ébahie, devant les 36° que je voyais affichés en septembre, je rigole jaune maintenant quand j'en vois 45...
- La Feria a aussi ses mauvais côtés : les ladrones -à ne pas confondre, en lisant vite, avec les lardons, qui ne présentent pas en soi de défaut majeur-, il s'agit des voleurs. Toutes les personnes que je connais se sont fait voler quelque chose, de l'appareil photo au portefeuille en passant par le téléphone. Donc, j'ai pris énormément de précautions et je m'en sors avec brio puisque seule ma carte d’identité manque à l'appel de l'inventaire post-fête (si, vous savez, cet inventaire qu'on fait en se réveillant, et en retournant son sac en retenant sa respiration...). Et comme je doute qu'on me l'ait volée, juste comme ça, je pense qu'elle s'est simplement suicidée en tombant de mon sac. En soi, c'est pas grave puisque j'ai mon passeport, mais dans les faits, c'est assez relou tout de même puisque j'ai gagné un passage bonus au Consulat français pour déclarer la perte....
- Seville est magique, comme le PSG et même encore plus parce qu'on a gagné l'EuropaLeague !!! Oui, donc j'ai regardé un match de foot, en mangeant une pizza, si señor!! J'ai crié "Putain" quand les tirs cadrés ne passaient pas et "VAMOOOO" quand ils passaient (c'est à dire juste à la fin puisque ça s'est fini aux tab). Et donc, je dis maintenant "ON a gagné", enfin bon, tous ces trucs que j'ai toujours trouvés ridicules, mais que voulez vous, en tant que française, j'ai bien peur de ne pas pouvoir fêter beaucoup de victoires dans ma vie!
- La Féria c'était tellement bien que j'y retourne, mais à celle de Jerez (c'est dans la province de Cadiz donc pas bien loin) qui a lieu cette semaine. Je fais juste un A/R rapide, et j'en profite pour aller à la corrida de vendredi (décidément, quelle meurtrière je fais) parce que Manzanares torée et qu'il est très beau (vous me demandez hein, si vous voulez des analyses sportives ou autres brillantes et réfléchies). Puis, samedi, normalement, je vais à Gibraltar! Donc, il faut que je potasse mon anglais, parce que ça vire à la catastrophe ma maitrise de la langue de Shakespeare...

A plus tard dans la mare!!!
(Pardon, je sais pas ce qui m'a pris!)




lundi 12 mai 2014

Penser au retour. Ou pas.

Cette fois, ça commence sincèrement à sentir la fin. Dans les faits, il me reste encore plusieurs semaines à passer à Séville, 7 si je ne me trompe pas. Mais, seulement 3 avant la fin des cours. Ensuite, les examens commenceront. Et puis, quelques jours après avoir rendu la dernière copie, j'irai prendre mon avion. Et puis, de toute façon, entre nous, 7 semaines, c'est de toute façon assez peu. C'est un peu compliqué d'expliquer ce qui nous passe par la tête. Oui, parce que j'imagine que je ne suis pas la seule à ne pas trop savoir quoi penser. Il y a maintenant environ un an, j'ai appris que j'allais pouvoir partir à Séville, projet que j'avais effectivement en tête depuis plusieurs mois, mais dont je n'avais jamais, contrairement à de nombreuses personnes rencontrées ici, réellement rêvé. Là où ils pensaient "absolument", je me disais "pourquoi pas". Et, paradoxalement, mon principal objectif n’était ni de faire la fête, ni d’avancer dans mes études, ni d’embellir mon CV, ni d’apprendre l’espagnol, même si, au final, ces conditions ont été remplies, heureusement. Non, en réalité, j’avais décidé de partir à l’étranger seulement quelques mois avant, uniquement pour… partir, justement. J’étais fatiguée du cliché et pourtant véridique rythme metro-boulot-dodo, fatiguée de vivre dans une cage à lapin, d’additionner mes temps de transports et de correspondance pour savoir si j’aurai le RER de 15h14 en ne prenant que le bus de 15h01. Pas assez sportive, je m’étais rapidement essoufflée. Un rapide coup d’œil autour de moi m’avait confirmé que rien ne me retenait là où j’étais, du moins, rien qui ne pourrait m’empêcher de prendre le large, seulement quelques mois. Tout le reste n’a été que prétexte : une année d’études en plus ? Prétexte. Séville ? Parfait, puisque ça n’était pas Paris. 

Je n'ai pris conscience de ce que signifiait "partir à l'étranger" que bien plus tard, je crois qu'en fait, je n'en ai pris conscience qu'après mon arrivée ici. Je me connaissais quand même un peu, j’imaginais les premiers jours difficiles. Et non, je me revois, maintenant, me promener dans Séville, totalement inconsciente de ce qui venait de se passer et de ce qui allait se passer ensuite. Pendant plusieurs jours, j’écoutais mes nouveaux amis raconter leurs larmes à l’aéroport, les séparations difficiles, les horribles premières soirées, en me demandant comment il était possible que moi, je ne sois pas passée par tout cela. J’écoutais ma coloc me dire qu’elle s’était mise à pleurer sur le chemin de l’école sans comprendre pourquoi, en lui confirmant que « oui, c’est sur, c’est pas simple tout ça », alors que finalement, je m’en sortais drôlement bien. Il a fallu plus d’un mois avant que je ne craque pour la première fois devant une difficulté. Plus d’un mois avant que, moi aussi, je ne finisse par prononcer le fameux « il faut que je rentre un peu chez moi là ». Et, ça, franchement, cette résistance, je ne l’avais pas soupçonnée un seul instant. Pourtant, avec le recul, il est évident que l'on ne peut pas prendre conscience de ce que l'on fait. Imaginez donc... la veille de mon départ, si j'avais regardé ma valise en me disant "bon, c'est génial, demain je pars dans un endroit où je ne connais personne, où je n'ai jamais mis les pieds, dans un pays dont je parle à peine la langue", j'aurais sans doute ramené ma valise dans ma chambre, je l'aurais défaite, et je ne serais jamais partie.

Ma dernière semaine en France, la première de septembre 2013, je l’avais passée devant la télé, pour m’abreuver une dernière fois de toutes ces stupidités sans lesquelles il faudrait apprendre à vivre. Les premières semaines en Espagne, j’ai téléchargé toutes les applications possibles et imaginables pour regarder la télé française. Non pas que je sois spécialement accro, mais certaines émissions étaient comme une petite routine, et sans doute que cela me rassurait de pouvoir la maintenir. Mais, souvent, il est très compliqué de regarder un replay, ou une émission en direct depuis l’étranger. Un beau soir de janvier, pour la première fois, l’accès à la dernière émission que je pouvais encore regarder m’a été refusé. J’ai eu beau lancer l’application, rien à faire. J’ai paniqué. 27 secondes, à peu près. Puis, je n’ai plus jamais regardé cette émission. Et j’ai découvert qu’il y avait un tas de choses qui n’étaient pas si indispensables que ça. Bien sur, les gens restés en France le sont, indispensables (dans l'ensemble en tout cas!). Mais le reste...

Alors, voilà. Avant mon départ, on m'a beaucoup charriée à coups de "ahah, tu vas voir, tu reviendras pas". Je riais, je trouvais ça ridicule, bien sur que j'allais revenir, fallait pas exagérer quoi! Les gens ayant déjà vécu ce genre d'expérience me disaient, eux "ce qui est certain, c'est que tu voudras repartir, un jour". A la rigueur, je pouvais comprendre ça, mais sans réellement savoir si ce serait mon cas. Pourtant, à peine arrivée, ce n'est même pas que j'ai aimé ce pays, c'est différent, je ne sais pas comment m'expliquer sans avoir l'air ridicule. Disons que j'ai senti que c'est là qu'il fallait que je sois à ce moment précis. Mais j'imaginais que 10 mois plus tard, j'aurais fait mon temps et que je pourrais rentrer grand sourire aux lèvres et cheveux au vent. Sauf que. C'est pas si simple. C'est même très compliqué. Je crève d'envie d'être chez moi, j'entends, d'être chez moi pour de bon, pas 4 jours. Je veux retourner à Paris, que je n'ai pas vue depuis près de 5 mois, où m'attendent tellement de choses et de personnes. Vraiment. J'en ai envie, j'en ai besoin. Et pourtant, je ne me sens absolument pas capable de laisser tout ce que j'ai construit à Séville. C'est trop tôt. J'y découvre encore des rues, des restaurants, des saveurs, des odeurs, et des gens. 

Bon. Il se trouve qu'en septembre, si les choses se passent comme elles sont censées se passer, je validerai mon M1 d'histoire. Théoriquement, je dois poursuivre en M2 l'année prochaine. J'ai beaucoup hésité sur ce que je ferai cette année là, justement. Je suis maintenant fermement décidée à poursuivre mon mémoire car mon sujet me plait. Or, je travaille sur une revue andalouse. Je ne trouverai rien à Paris là dessus, d'où la proposition de mon directeur de recherche d'effectuer "quelques aller/retour à Séville" dans l'année. L'idée m'a forcément plu. Mais tout cela implique de retourner vivre à Paris, d'y repayer un loyer, pour rien durant quelques semaines. C'est financièrement parlant impossible -et honnêtement, moralement, ça ne l'est pas tellement moins-. En M2, je n'aurai que 3 cours, qui peuvent être suivis à distance. Alors, on me l'a suggéré... pourquoi ne pas transformer les quelques aller/retour à Séville en quelques aller/retour à Paris ? Pourquoi ne pas revenir dès la fin de l'été ? Ca ne serait pas comme cette année... hormis mes amis espagnols, les autres seront tous partis. Sans doute que la ville me paraitra différente. Mais, au fond, qu'importe. J'ai évoqué ce projet à pas mal de gens ici. A coups de "mais bon, je sais pas...". Et puis, l'une de mes potes a eu la réponse qui m'a décidée : "je comprends pas pourquoi t'hésites en fait". Je crois que je n'hésite plus... N'ayant aucun cours à Séville, je serai bien plus disponible pour passer en France, et je n'y manquerai pas. C'est chez moi, je ne peux pas, et je ne veux pas faire semblant d'être de Séville. Mais pour l'instant, désolée, je n'ai pas la force de monter dans cet avion en me disant que c'est terminé. Pour de bon.

(Bon, sinon, la Feria vient de s'achever. Je vous raconte tout très très bientôt (genre dans quelques jours, pas quelques semaines. C'était incroyable. Ou plus que ça. C'était Séville, quoi...)