J'en ai parcouru des blogs d'Erasmus avant de venir à Séville, et tous présentaient un point commun : ils étaient peu à peu laissés à l'abandon. Je voulais penser que ce ne serait pas le cas du mien, mais il faut bien se rendre à l'évidence. Les raisons sont toutes simples : on vit des choses finalement très banales, comme tout le monde, à quoi bon les raconter ? Et parfois, on vit des choses incroyables, tellement, qu'elles sont difficilement racontables. Pourtant, j'ai plein d'articles à écrire, il faut que je vous parle du Réal Alcazar, de la Catédral, il faut que je vous raconte l'ambiance de Noël à Séville (et si possible que je n'attende pas mai pour ça), mais je ne prends pas le temps, je l'avoue.
Alors, bien sur, je pourrais consacrer un article au fait que j'ai enfin testé le restaurant universitaire, mais vous avouerez que ça serait moyennement passionnant quand même. Bon, c'est sympa le RU, c'est pas cher, on peut y manger comme des goinfres et c'est franchement pas mauvais. Enfin, sur l'échelle des cantines, honnêtement, je le placerais en haut, bien au-dessus de la cantine de mon collège et de la cantine du Louvre, à peu près à niveau égal avec le RU de la fac de Nanterre. Mais voilà quoi, c'est pas plus intéressant que ça. Je pourrais aussi vous raconter qu'on a finalement récupéré l'eau chaude, et le chauffage. Cela dit, vous deviez vous en douter vu que sinon, je serais morte (quoi que le silence sur mon blog pouvait, en effet, laisser à penser que j'étais morte). Donc, c'est cool, dans ma chambre j'ai maintenant un petit radiateur qui sent bon les barbecues d'été. Et donc, l'eau chaude, c'était une histoire d'eau qui n'arrivait pas dans la salle de bain, j'ai rien compris, je sais juste que, POUR UNE FOIS, mes colocs mâles ont levé leur cul du canapé se sont portés volontaires pour mener à bien une tache dans cet appartement. Ils ont bidouillé 2-3 trucs, depuis, on a l'eau chaude, mais on a aussi une énorme fuite. A choisir, je préfère encore passer la serpillère plutôt qu'à claquer des dents. Depuis, nos échanges se résument surtout à "vous avez prévenu la proprio pour la fuite ? - Non - Ok, on va le faire", et on le fait pas. Ambiance de folie. Je pourrais vous dire que j'ai viré les sous-titres de ma télé, ils prenaient toute la place, ça m'empêchait de bien voir l'image, et puis, je n'en ai plus franchement l'utilité, c'est franchement une bonne nouvelle. Je regarde la télé avec l'un de mes colocs parce qu'on aime les mêmes émissions débiles ; bon, parfois, il rigole très fort, et moi pas du tout, donc je suppose que je comprends pas encore tout ce qui se dit, mais on a encore le temps, pas vrai ? A ce propos, quand même, il s'est passé quelque chose qui mériterait un article entier : ma coloc (je sais, ça donne l'impression qu'on vit à 12 tout ça, mais non, on est 4) a ramené une amie espagnole, on a discuté un peu jusqu'à ce qu'elle me dise "Mais tu vis ici toi ? C'est bizarre, elle m'avait dit que sa coloc était française". Ca nous a drôlement flatté l'ego à mon accent pourri et à moi. Quoi d'autre ? Je pourrais vous raconter que j'ai fêté l'anniversaire de Kinga, la polonaise, et donc, qu'il y avait d'autres polonaises, et non, finalement, franchement, il vaut mieux que je vous raconte pas. Je pourrais consacrer un article entier au fait que j'ai réussi à tenir 1h entière sur des patins à glace sans me casser quelque chose, ce qui constitue un grand progrès par rapport à la dernière fois. Oui, je sais, vous devez vous dire que ça fait pas vraiment sport local le patin à glace, mais ils ont installé une grande patinoire, un peu pour faire comme si il faisait froid ici vu que c'est Noël pour ces gens là aussi. On y a été avec des italiennes, et avec Alice, une copine française, qui s'est un peu emballée en me disant "comme ça, on fera des portés". Je vous rassure, personne n'a porté personne. Ah, je pourrais aussi vous raconter qu'il ont mis des décorations de Noël, toujours dans le but de faire croire à la terre entière qu'ici aussi, on peut fêter Noël, mais moi, je suis désolée, les guirlandes lumineuses sur les palmiers, ça me convainc pas. Ils auront beau faire défiler des pères Noël à roller (oui, ils font ça...), tant que leur manière de fêter les vacances de Noël sera d'emmener leurs enfants jouer dans des installations temporaires EXTÉRIEURES, j'y croirai pas. De toute façon, j'ai une amie de Séville qui m'a dit qu'elle n'avait jamais vu la neige de sa vie. Donc ça veut dire qu'elle n'a jamais fêté Noël, basta.
Ah, et puis, je pourrais vous dire que j'ai passé 5 jours à Paris, sur un coup de tête. Un grand week-end prolongé, des amies à voir, et me voilà dans un avion (enfin, un truc Ryanair, donc plus ou moins, un avion) a destination de la France. Comment dire ? C'était bizarrement joli. Ca faisait trois mois que je n'avais pas vu d'inscriptions en français. Mes premiers mots ont été "putin, il fait froid" et ma première vision a été celle d'un policier tirant une tronche de six pieds de longs. Mon cher pays... Sensation étrange, à peine les Pyrénées survolées, je me suis sentie à la maison, je regardais la France vue du ciel et tout me paraissait être à moi : mes paysages, mes maisons, mes champs, mes villes. J'ai vu ma famille, j'ai vu mes amies, j'ai pris une sacré dose d'énergie. Donc c'était joli. Et puis c'était bizarre. Parce que, quelque soit l'endroit où vous passez, vous ne pouvez pas vous empêcher de vous dire "la dernière fois que je suis venue là, je ne savais pas...". Et, en trois mois, les choses ont le temps de changer, voilà comment je me suis presque perdue en banlieue, dans une ville que je connais par cœur, car des travaux étaient passés par là. C'est difficile à expliquer, mais vous avez beau le savoir, parce que c'est évident et que vous n'êtes pas mégalo au point de penser l'inverse, pourtant, il faut bien l'admettre : la vie a continué sans vous. Le premier soir, je ne savais même pas où j'étais, je ne comprenais rien. Puis, dès le lendemain, j'avais l'impression de n'être jamais partie. Le jour du retour, cette phrase lourde de sens : "je rentre à Séville". Je "rentre". Donc voilà, c'était bizarre, cette impression d'être rentrée chez moi, sans vraiment savoir si justement, c'était bien là, chez moi. De toute façon, je suis contente de l'avoir fait.
Et puis, de toute façon, je n'ai pas été jusqu'à ma maison. Il y a plusieurs semaines, après un coup de blues, j'avais expliqué ici même à quel point j'attendais Noël, parce que ça serait le moment de rentrer à la maison. A cette même période, j'avais reçu un e-mail de la compagnie aérienne me disant "plus que 6 semaines avant votre vol", et ça m'avait paru si insurmontable d'attendre six semaines. Et puis voilà. C'est aujourd'hui. C'est passé drôlement vite. Certaines personnes ont déjà quitté Séville définitivement. D'autres partiront sitôt leurs examens terminés. Nous autres, qui restons un an, nous nous reverrons tous dans deux semaines, et pourtant, nos au revoir étaient tintés de quelque chose de bizarre. Chacun s'en va retrouver, pour quelques jours, ses plaisirs et ses problèmes, toutes ces choses que l'on n'a pas amenées ici, et que l'on laissera à nouveau chez nous avant de revenir. Pendant quelques jours, nous allons arrêter de faire partie du quotidien des autres, pour retrouver celui des gens d'avant. Celui des gens d'après, aussi, je le sais. Je me suis au moins rendue compte de ça en revenant il y a quelques jours : les gens d'avant Erasmus sont les mêmes qui seront là après.
Bref.
J'ai fini ma valise. Ca m'a pris à peu près autant de temps que de la faire le jour où je suis venue, même si l'affaire s'annonçait moins compliquée. J'ai du enlever l'étiquette qui y avait été accrochée lorsque j'ai pris l'avion, celle sur laquelle il y avait écrit "SEVILLE SVQ 07 sept 2013". Je vais la garder, je crois. C'était il y a trois mois et demi, c'était hier. Dans 13h, je décolle. Ce soir, je suis chez moi. Ce soir, je dors dans ma chambre, celle que j'ai quitté la boule au ventre, très tôt, ce fameux matin de septembre.
A ce soir la France.
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