Voilà. Au revoir soleil, au revoir tinto de verano et autres rebujito, au revoir amis, et au revoir la plaza de España. J'ai noirci mes dernières feuilles blanches d'examen (ils ont toujours pas inventé les lignes depuis le premier semestre), mes amis m'ont offert un drapeau espagnol rempli de petits mots, en français, en espagnol, avec des dessins, comme tout Erasmus qui se respecte. Et puis, mercredi soir, j'ai raccompagné ma coloc qui partait pour Madrid pour prendre son avion. Ca a été comme dans les films américains, en pire. Je me suis renseignée, il y aura maintenant 2.700 kilomètres entre nous, trois fois rien. J'ai enchainé les soirées d'adieux d'au-revoirs, j'ai pris des dizaines de gens dans mes bras alors que je déteste les gens qui me prennent dans leur bras normalement, et parfois, on a pleuré. J'ai tant bien que mal fermé mes valises, en ajoutant sans cesse des kilos (et des euros) à ma réservation easyjet. Et, enfin, hier, après avoir fini de nettoyer mon appart', je suis partie à l'aéroport. Plus stressée de savoir si j'aurai un excédent à bagage qu'autre chose, je n'ai pas réalisé tout de suite. Et puis, assise à ma place dans l'avion, pendant que l'équipage nous expliquait comment ne pas mourir, des centaines d'images me sont venues en tête au même moment. Les noms de gens, les noms de villes se mélangeaient, et donc j'ai fini par fondre en larmes, j'ai atteint l'apothéose du ridicule quand les roues de l'avion ont quitté la piste, puis je me suis ressaisie parce que le monsieur d'à côté avait l'air un peu inquiet pour moi. Finalement, j'étais même plutôt contente en atterrissant. Maintenant, il va falloir reprendre ses marques peu à peu, s'habituer à envoyer des sms et non pas des Whatsapp (sérieux, il serait temps que vous y passiez tous, la modernité, que diable!), à mettre mon parapluie dans mon sac à main et à ne pas dire "Hola" en entrant dans les magasins. Bon bref. Pour rester encore un peu dans l'ambiance, je me suis dit que j'allais consacrer quelques minutes heures à tenter de reflechir sur tout ça, et à voir ce que j'aurais aimé qu'on me dise il y a un an - d'ailleurs, j'ai fait ma soirée d'adieux un an jour pour jour après avoir acheté mon billet aller (va savoir pourquoi je me rappelle de la date à laquelle je l'ai acheté...), c'est marrant-. Si on me donnait l'opportunité de remettre ça (si seulement...), il y a des petits détails que je changerais, et d'autres que je garderais totalement à l'identique.
Ca, je le ferais autrement...
- Je me poserais moins de questions, mais je me poserais les bonnes. Clairement, on s'en fout de savoir qui va venir à telle soirée, et qui ne viendra pas. On s'en fout que les gens soient en retard, on s'en fout qu'ils annulent, c'est pas grave. C'est comme ça, c'est l'Espagne, c'est Erasmus. On s'en fout également de savoir qui a laissé trainer ses restes de bouffe dans le salon, on ramasse, c'est pas grave. On s'en fout de pas savoir ce qu'on fait ce soir, de pas savoir où on va ce week end, on s'en fout si on change d'idée à la dernière minute, c'est même rigolo. Par contre, on s'en fout pas de savoir combien ça va couter tout ça. Sujet délicat, hein : l'ARGENT. Alors, personnellement, je suis partie avec de l'argent de côté, et tout ça mêlé à la bourse Erasmus (pour info, elle n'est pas sur critère sociaux, elle est versée de droit à tous les Erasmus, seul le montant peut changer. Par exemple, j'ai touché l'équivalent de 320€/mois, mais 80% m'ont été versés en novembre, et le solde arrivera dans les semaines suivant mon retour en France) a fait que j'ai mené la vie de pacha pendant 10 mois sans lever le moindre orteil. Deux dangers. Primero: c'est quand même pas illimité tout ça, et peut-être que c'était pas la peine de dévaliser à ce point Mango et Bershka, ni de m'acheter ces chaussures qui m'ont bien fait galérer à l'heure de la valise -ceci est une traduction littérale de la formule "a la hora de", qui je crois est censée être traduite autrement en français, du genre "au moment de faire" mais ça m'arrive fréquemment, je vais suivre quelques cours de français et ça ira-. Si je m'étais demandée de temps à autres si j'avais les moyens de tout ça, ça m'aurait évité le mail du banquier me demandant de régler ce découvert de 345€ (oui, oui...), que donc, heureusement, j'ai pu combler, en me cachant dans ma honte. Segundo : ça m'étonnerait pas qu'on s'habitue à ce petit train de vie. Sauf que voilà, à Paris, les "j'ai la flemme de cuisiner, Tugce, ramène toi, on va manger des tapas" et autres "on va pas aller jusqu'à la bas à pied, vous êtes fous, taxi", ça va pas durer longtemps. - Bon, aparté quand même : c'est pas comme ça tous les jours, je me suis aussi tapée des retours à pied qui durent 2h, des voyages de 7h en bus pour ne pas payer le TGV, et j'en ai bouffé des pâtes, mais faut quand même reconnaitre que c'est pas la même histoire que quand je faisais mes courses avec ma calculette dans le XVe arrondissement.
- Je raterais pas autant de cours. Mea maxima culpa, maintenant que c'est fini, je peux le dire : j'en ai fait des grasses mat... Mais donc voilà, ça, c'est pour le conseil relou du jour. Non, c'est pas grave de rester couchée un lundi matin parce qu'on a la flemme, par contre, le faire 5 fois d'affilée, ça devient un problème, SACHEZ LE. Parce que Erasmus ou pas, arrive un moment où on se retrouve devant son sujet d'exam, et on se sent minable parce que les réformes de l'armée espagnole au XXe siècle, ça nous dit pas grand chose (mais j'ai pris l'autre sujet héhé!). J'ai sauvé les meubles, parfois même honorablement, avec un tout petit peu de talent, pas mal de chance, et beaucoup d'acharnement dans la dernière ligne droite. Mais, sachez une chose : Erasmus, c'est pas les vacances. On m'a dit (je ne sais pas si les sources d'"on" sont bonnes mais bon) qu'en effet, dans des pays comme l'Italie, on pouvait limite arriver à l'exam avec sa serviette de plage sur les épaules et repartir avec son petit 8/10 pas mérité. Mais en Espagne, c'est pas le cas, clairement pas!!!! Ici, ça bosse, et si c'est pas suffisant, il faut assumer ses 2/10. On s'est tous pris des gamelles, donc voilà, moi je préviens c'est tooouuut. Et donc, pitié, arrêtez avec vos "alors, ça profite des vacances ?" et surtout avec le ô combien blessant et pourtant ô combien entendu "bah encore heureux que t'as validé ton semestre, t'es en Erasmus aaahhhahaha". Pas aaaaahahah du tout.
- Je prendrais le temps de me trouver un super appart. Ca restera le regret de mon année, c'est sur. On est tous dans le même cas, on arrive super stressés à l'idée de peut-être devoir passer l'année entière dans une auberge de jeunesse, et donc on se jette sur les premiers trucs qui passent. Clairement, si j'avais su qu'il y avait autant d'offres, que toute l'année, les proprios se battaient pour remplir leurs apparts - j'ai quand même une amie qui a réussi à déménager trois fois en 9 mois s'il vous plait -, ça m'aurait permis de ne pas me retrouver au milieu d'un muet ne décrochant que des "vamooooos" et "hijo de puta" en regardant le foot, et d'un presque quarantenaire paradant déguisé en gorille quand l'envie lui prend (juré.). Heureusement que y'avait Tugce, même si j'ai plusieurs fois songé à l'euthanasier quand elle répétait ses cours de chant, en vrai, elle était quand même assez parfaite. Et puis j'aurais pu habiter plus près du centre pour pouvoir aller à la fac à pied et non en bus, ou sortir n'importe où et pas seulement sur l'Alameda par flemme d'aller plus loin. Et enfin ça m'aurait évité la proprio qui déboule un dimanche sans prévenir. Mais bon.
- Je ne maquillerais pas pour aller à l'aéroport le dernier jour. Bon, du coup, je reviens pas là dessus. Juste, c'était, évidemment, idiot.
- Je ne maquillerais pas pour aller à l'aéroport le dernier jour. Bon, du coup, je reviens pas là dessus. Juste, c'était, évidemment, idiot.
Et ça, c'était parfait...
- L'espagnol et les espagnols. Au début, on s'est tous, ou presque, inscrits aux cours d'espagnol proposés par la fac. Mais la plupart ont vite laché l'affaire, parce que 3h par semaine à l'autre bout de Séville, ils estimaient que c'était relou (et c'est le cas d'ailleurs). Mais, même si j'avais souvent la flemme, et même si on s'est bien foutu de moi, je me suis obstinée à ne pas rater trop de cours et ça m'a doublement été utile. D'abord, parce que les notes finales comptent dans la moyenne générale, et à moins d'être une vraie buse, c'est facile d'avoir une super note qui peut donc sauver un semestre. Et ensuite parce que c'est ce qui m'a permis d'apprendre un espagnol correct, c'est à dire de connaître mes règles de grammaire et de conjugaison. On est tous arrivés avec un niveau limite et repartis avec un super espagnol, mais les cours m'ont aidée à ne pas faire des fautes qui font mal aux oreilles averties. Et puis surtout j'ai eu la chance (parce que pour le coup, je n'ai pas fait grand chose pour à la base) de rencontrer beaucoup d'espagnols. On suit les mêmes cours qu'eux, mais, je préviens tout de suite, si on ne fait pas l'effort d'aller leur parler, ils ne viendront pas, mais au fond, c'est comme dans n'importe quelle fac de France : ils se connaissent tous depuis plusieurs années, ont leur groupe d'amis. Maintenant, je regrette de ne pas avoir essayé de connaître les quelques Erasmus qui fréquentaient mes cours à Nanterre en L3... Par contre, hors des murs de la fac, l'espagnol se transforme. A la base, j'ai rencontré le groupe d'amis d'une copine allemande, lors de son anniversaire, puis on s'est bien entendus on s'est vus de temps en temps, puis de plus en plus, voire quasiment tous les jours à la fin. C'était donc des espagnols qu'elle avait rencontrés à une soirée couchsufring d'échange linguistique dans un bar, j'ai donc fait une de ces soirées et effectivement, j'y ai rencontré encore d'autres espagnols. Au final, si j'ai été très Erasmus au premier semestre, j'ai passé le second entouré de locaux, à en être souvent la seule étrangère, et c'est super pour plusieurs choses : d'abord parce qu'on est un peu la star du moment en tant qu'étrangère, aussi parce que c'est très drole de les entendre répéter les phrases françaises qu'on leur apprend, et puis parce que pour apprendre une langue telle que la parlent les natifs, il n'y a rien de mieux. Du coup, le jour, j’apprenais à conjuguer le subjonctif imparfait en cours et le soir, je hurlais des "me cago en tu puta madre" et des "me suedan los huevos" -je vous laisse vous renseigner vous même si les insultes espagnoles vous intéressent-. Résultat de tout ça : on m'a fréquemment dit que je parlais vraiment bien l'espagnol et comme, à la base, il y a un an, c'était un peu le but de la manœuvre, ça fait plaisir.
- Je voyagerais autant. Après avoir visité Séville en long, en large, et en travers, j'ai consacré la deuxième partie de mon Erasmus à crapahuter dans toute l'Espagne. J'ai déjà raconté ici beaucoup de mes voyages donc je ne reviendrai pas dessus, mais il est évident qu'il faut en profiter. Quand on est dans une région comme l'Andalousie, il faut en prendre plein les yeux, il y a tant de merveilles à voir, à commencer par, évidemment, Séville, mais aussi Grenade et Cordoue. Inratables. Niveau pratique, on s'en sort pour très peu cher si on connaît les bons filons, donc, comme je suis sympa, je transmets. Pour le transport, blablacar est votre meilleur allié : il s'agit, comme beaucoup le savent sans doute, d'un système de covoiturage, mais très sécurisé. Des millions de personne en Europe l'utilisent quotidiennement, et c'est la solution la plus économique. Les espagnols utilisent également beaucoup le car, même pour de longs voyages ; par exemple, un Séville-Madrid revient, en car à 22€ alors qu'il faut, à moins d'avoir de la chance, compter une bonne 40ne d'€ en train. Cela dit, prendre l'avion n'est pas forcément synonyme de richesse : n'hésitez pas à utiliser les comparateurs comme Liligo ou GoVoyages pour trouver les meilleurs prix. Les aéroports sont maintenant très bien desservis par de nombreuses compagnies low-cost, et ainsi, on a été à Majorque pour... 31€. Pour le logement, que le dieu du tourisme bénisse les auberges de jeunesse : j'en ai fréquenté un sacré paquet cette année, et on est loin du cliché glauque du dortoir qui pue. Il faut certes accepter de partager son quotidien et son confort, mais elles sont en général très propres, l'ambiance y est géniale, et dans la plupart des villes d'Espagne, les prix débutent à 9-10€ la nuit. Sinon, l'autre solution peut être celle de couchsurfing : des gens vous proposent de vous héberger, grace à un réseau mondial, sur internet. Je n'ai pas testé, par contre, à Majorque, on a logé chez l'habitant, via le site airbnb : même système, un couple ou une famille met une chambre à votre disposition, ainsi que sa cuisine et sa salle de bain, mais n'assure pas vos repas ou quoi que ce soit contrairement à une chambre d'hôtes. Contrairement à couchsurfing, il faut payer, mais le confort est parfait, et personnellement, ça m'était revenu à 12€ par nuit à Majorque, alors pas de quoi se plaindre. Donc, je récapépéte : le secret n'est pas forcément de s'y prendre à l'avance -en général, on commençait à s'organiser à J-3 au mieux, à H-2 au pire-, mais de connaître les bons plans.
- Je ferais ce que j'ai envie de faire au moment où j'ai envie de le faire. Voilà, pour moi, c'est la définition d'Erasmus. Ca n'est pas que d'enchainer les cuites, ça n'est pas que voyager, ça n'est pas que de manger des tapas à chaque repas : c'est tout ça, si c'est ce qu'on a envie de faire. C'est telle chose à tel moment, puis telle autre à un autre moment. Par exemple, si d'un coup, sur les coups de 23h, on a envie d'une bière, on cherche quelqu'un qui a envie d'une bière -c'est pas dur à trouver- et on part boire une bière. Si après, on a envie de rentrer, en rentre, si, finalement, on a envie d'un mojito, on va boire un mojito. Et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on ait envie de se coucher et qu'on aille donc se coucher. Si un samedi matin, alors qu'on a rien de prévu, on a envie d'aller à la plage, on prend le prochain bus pour la plage la plus près (pour info, dans le cas de Séville, il s'agit de la plage de Matalascanas, située à 80km) et on va à la plage. Si on préfère ne rien faire, on ne fait rien. En résumé : on arrête d'être dépendant des événements et des gens. Par exemple, il s'est trouvé qu'à un moment de l'année, je n'avais plus envie de sortir, j'étais crevée, tout le temps enrhumée -oui, c'est possible à Séville, arrêtez de rire!-, et j'ai du passer comme ça 3 semaines en ne voyant presque personne ; sur le coup, je me disais que c'était dommage de ne pas en profiter alors que tout le monde était en boite, et puis je me suis rendue compte que ce que je voulais, moi, c'était regarder les 10 saisons de Friends en 5 jours, alors que je pouvais très bien le faire. A l'inverse, début juin, tous mes amis étaient en exam alors que les miens commençaient plus tard, et je passais mes soirées dehors, parce qu'à ce moment là, j'avais envie de passer mes soirées dehors. Pendant les vacances, j'avais envie d'aller à Valence mais les autres avaient d'autres projets, eh ben je suis allée à Valence toute seule, et c'était très bien (et au final, il s'est trouvé que, sans s'être concertées avant, j'ai pu y retrouver une amie le 2e jour). Alors, il y a des moments, ca s'appelle les Examens, et c'est très handicapant, durant lesquels, on peut en effet être un peu limité dans nos envies et pulsions, mais rien n'empêche d'aller boire un verre de vin et de passer deux heures en terrasse avec des amis après une journée de révisions. En bref : on ne se culpabilise jamais, on ne se prend pas la tête. Maintenant, je peux le dire, ça donne le vertige en septembre mais 10 mois, ça passe à la vitesse de la lumière, alors on se sort les doigts du cul (PARDON mais je vois pas comment formuler ça autrement!!) et on se dépêche de profiter.
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Voilà, moi je vous laisse là. Je vais défaire ma valise et tenter de ne pas trop me laisser gagner par le syndrome post-Erasmus (j'exagère rien, il est reconnu par les professionnels de santé hein). Je vais manger des tonnes de fromages, me faire couper les cheveux, revoir ma famille, tous mes amis, et sans doute souler tout le monde avec mes histoires. C'était drôlement chouette tout ça. Vraiment. Si c'était à refaire.....
Vraiment, je le referais.